Critique

[Le film de la semaine] Tout en haut du monde, de Rémi Chayé

Tout en haut du monde, de Rémi Chayé © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

ANIMATION | De France, une perle épurée d’aventure animée à même de dégivrer le plus insensible des palpitants, petits ou grands.

A 48 ans, Rémi Chayé signe avec Tout en haut du monde son premier long métrage. Un projet que ce natif de Poitiers, passé par math sup avant de prendre la tangente graphique, porte en lui depuis une décennie déjà -période d’intense maturation durant laquelle il a par ailleurs fort peu chômé, apportant son concours à la crème de l’animation européenne, de Jean-François Laguionie (L’île de Black Mór, Le Tableau) à Tomm Moore (Brendan et le secret de Kells) en passant par Dominique Monféry (Kérity, la maison des contes). Formé à La Poudrière, école valentinoise fondée par le patron de la société de production Folimage (La Prophétie des grenouilles, Une vie de chat), Chayé flashe ainsi dès 2005 sur le scénario de Claire Paoletti, un récit initiatique doublé d’une quête identitaire autour de la question de la transmission.

Ample, caractérisé par de grands aplats de couleurs pastel et porté par le folk rêveur de Jonathan Morali, le leader du groupe français Syd Matters, Tout en haut du monde déboule aujourd’hui dans les salles nimbé d’un doux parfum d’évasion. Pour autant, le film, volontiers onirique, n’idéalise jamais un périple dont les multiples dangers sont ici traduits dans toute leur implacable réalité. Embarquant une gamine de l’aristocratie saint-pétersbourgeoise du XIXe dans une grisante expédition vers l’Arctique, il fait littéralement corps avec les conditions que sa jeune héroïne se targue d’affronter. Insoupçonnable force de la nature, c’est cette Sacha, bout de femme à la solide détermination et aux traits vaguement reminiscents d’une certaine Seccotine chère à Franquin, qui lui sert de boussole. Un personnage digne de Jules Verne, décliné au féminin très singulier, ouvrant sur un formidable éventail d’émotions, comme autant d’éphémérides du coeur.

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La glace et le feu

A sa suite, la dernière demi-heure du film, sublime, tient du miracle: dans les décors marmoréens du pôle Nord, Rémi Chayé impose à sa fiévreuse odyssée le rythme anesthésié et hiératique du cadre qu’il investit, dévidant comme au ralenti le fil d’une hallucination réfrigérée et hors du temps sans jamais rien perdre du souffle épique qui balaie par ailleurs son pur récit d’aventure, fondant comme le moelleux d’un marshmallow qui s’abandonne dans le brûlant d’un grand bol de café. Cette dialectique du chaud et du froid, du flot et de l’inertie, du plein et du vide, finit par emmener ce Tout en haut du monde vers des territoires cinématographiques fascinants de mystère, une Terra Incognita quasi mystique réconciliant le beau et le cruel dans la célébration souverainement épurée -proche de l’abstraction- du plus grand des secrets: le sel de la vie.

DE RÉMI CHAYÉ. AVEC LES VOIX DE CHRISTA THERET, FÉODOR ATKINE, LOÏC HOUDRÉ. 1H20. SORTIE: 10/02.

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