Critique

[Le film de la semaine] The Post, grand spectacle captivant

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME/THRILLER | Avec The Post (Pentagon Papers en VF), Spielberg signe avec maestria un hommage prenant à une presse libre et rigoureuse.

On doit au philosophe et homme politique irlandais Edmund Burke l’expression « quatrième pouvoir » à propos de la presse. Il parlait plutôt, en 1787, de « quatrième État », par extension des trois États de l’Ancien Régime: noblesse, clergé et Tiers-État. C’est en référence aux trois pouvoirs officiels en démocratie, l’exécutif, le législatif et le judiciaire, que l’idée d’une presse incarnant un contre-pouvoir actif s’est ensuite ancrée profondément. Le cinéma américain l’a plusieurs fois illustré de forte et brillante manière, de All the President’s Men (Alan J. Pakula, 1976) à Spotlight (Tom McCarthy, 2015). Le premier cité recréant l’enquête des journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein, qui dévoilèrent le scandale du Watergate au terme duquel Richard Nixon dut quitter la Maison-Blanche. Le nouveau film de Steven Spielberg est comme un « prequel » à celui de Pakula, puisqu’il se situe au coeur de la même rédaction (celle du Washington Post), peu de temps auparavant, au tournant des années 60 et 70. The Post évoque la fuite des Pentagon Papers (1), récit détaillé des années d’implication et de guerre des États-Unis au Viêtnam, rédigé en secret par l’administration et qu’un collaborateur au projet, Daniel Ellsberg, voulut rendre public tant il démontrait les mensonges de l’exécutif, et ce jusqu’au sommet de l’État.

Six mois

[Le film de la semaine] The Post, grand spectacle captivant

Le New York Times fut le premier à publier certains documents, s’attirant immédiatement des poursuites. Ben Bradlee, rédacteur en chef du Washington Post (joué par Tom Hanks dans le film), voulut prendre au plus vite le relais. Et ce d’autant plus que Kay Graham (Meryl Streep), la propriétaire du journal, était une amie intime de Robert McNamara, secrétaire à la Défense dont les propres doutes sur la conduite de la guerre constituaient une source potentielle de confirmation… Spielberg met toute sa maîtrise, tout son enthousiasme et son sens aigu d’un classicisme épuré, au service d’un suspense prenant où considérations morales et commerciales, politiques et juridiques, composent un cocktail détonant. Servi par une distribution superbe et secondé par une équipe de fidèles (dont Janusz Kaminski à la photographie et Michael Kahn au montage), il a mené à bien son projet en moins de six mois, un délai record montrant son extrême motivation et l’urgence qu’il ressentait à faire ce film au plus tôt. Impossible de ne pas y voir une réponse (et quelle réponse!) à l’ère du « fake news » inaugurée par la dernière campagne électorale et par l’installation du twitteur fou Donald Trump à la présidence. The Post, par ailleurs grand spectacle captivant, fait figure de puissante piqûre de rappel quant à cette indispensable liberté de la presse, qui « ne s’use que si on ne s’en sert pas« , comme le rappelle chaque semaine le slogan du Canard enchaîné…

(1) Lesquels donnent leur titre à la version française du film.

De Steven Spielberg. Avec Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson. 1h55. Sortie: 24/01. ****(*)

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