Critique

[Le film de la semaine] Hail, Caesar!, les frères Coen en décalage contrôlé

George Clooney dans Hail, Caesar! (Avé, César!), des frères Coen © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

COMÉDIE | Les frères Coen investissent le Hollywood de l’âge d’or sur les pas d’un « fixer » veillant à la bonne conduite des stars, et à la bonne marche des affaires…

Depuis leurs débuts, et les emprunts au film noir de Blood Simple, les frères Coen(1) se sont régulièrement nourris du cinéma hollywoodien classique. Leur filmographie peut ainsi s’envisager sous l’angle de la relecture des genres ayant contribué à l’âge d’or de Hollywood, revisités par leurs soins comme pour mieux les détourner, du film de gangsters dans Miller’s Crossing au western dans True Grit; de la screwball comedy dans The Hudsucker Proxy au film d’évasion dans O’Brother. A certains égards, Hail, Caesar! apparaît comme un aboutissement de cette démarche cinéphile: si Barton Fink se déroulait dans le Hollywood des années 40, c’est maintenant celui du début des fifties qu’investissent les frangins, pour un hommage modulé toutefois d’une solide dose de causticité.

La trilogie des idiots

Au coeur du film, on trouve Eddie Mannix (Josh Brolin, irrésistible), chef de production chez Capitol Pictures, où il exerce également la fonction de « fixer ». A savoir un homme devant veiller à ce que l’usine à rêves tourne sans accrocs et chargé, à cet effet, de dissimuler les frasques des stars, entre autres attributions. Lequel, ne sachant déjà plus où donner de la tête, va se trouver confronté à un problème épineux avec l’enlèvement de Baird Whitlock (George Clooney), vedette de la dernière grosse production maison, Hail, Caesar!.

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Ponctuant, après O’Brother et Intolerable Cruelty, ce qu’ils ont appelé leur « trilogie des idiots », Hail, Caesar! voit les Coen renouer avec la veine la plus légère de leur parcours, le film évoquant encore lointainement The Big Lebowski. On est donc ici en terrain familier, mais aussi éminemment savoureux, le microcosme hollywoodien offrant une réserve de gags et de ressorts absurdes à peu près inépuisable, dans laquelle les cinéastes se servent sans modération. Et de livrer un film ultra-référencé, où les soeurs Thacker (Tilda Swinton) évoquent les vipères mondaines Hedda Hopper et Louella Parsons; où DeeAnna Moran (Scarlett Johansson), une star à la langue bien pendue, semble calquée sur Esther Williams; où Hobie Doyle (Alden Ehrenreich), un cow-boy chantant, fait des miracles avec un spaghetti; où Channing Tatum danse comme Gene Kelly… La galerie est haute en couleur, les Coen l’animent avec leur virtuosité coutumière, restituant la magie des productions d’antan. Mais s’ils saluent d’un regard enamouré un art et un savoir-faire, les auteurs ne sont pas dupes pour autant, et le Hollywood qu’ils dépeignent est aussi une redoutable machine de propagande vendant du rêve sur arrière-plan de chasse aux sorcières et de paranoïa. De quoi donner une certaine consistance à cette comédie en décalage contrôlé, sans atténuer totalement l’impression que la machine tourne quelque peu à vide…

(1) INTERVIEW ET DOSSIER COEN BROTHERS DANS LE FOCUS DU 19/02.

DE JOEL ET ETHAN COEN. AVEC JOSH BROLIN, GOERGE CLOONEY, SCARLETT JOHANSSON. 1H40. SORTIE: 17/02.

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