Critique

[Le film de la semaine] Foxtrot, oeuvre audacieuse et bouleversante

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Un film au parti pris de mise en scène affirmé, puisqu’il est divisé en trois parties adoptant chacune une tonalité et une approche graphique différentes.

[Le film de la semaine] Foxtrot, oeuvre audacieuse et bouleversante

Lion d’or à la Mostra de Venise, Lebanon, le premier long métrage du réalisateur israélien Samuel Maoz, constituait une plongée sans filet au coeur de la guerre du Liban de 1982, imposant un dispositif formel étouffant, puisque l’action y était confinée dans l’habitacle d’un tank. Huit ans plus tard, la guerre, même si présente en filigrane seulement, dicte encore le tempo de Foxtrot, deuxième essai du cinéaste -un film au parti pris de mise en scène non moins affirmé, puisqu’il est divisé en trois parties adoptant chacune une tonalité et une approche graphique différentes. Soit l’histoire de Michael et Dafna, un couple de Tel Aviv dont l’existence vole en éclats quand un émissaire de l’armée vient les informer de la mort de leur fils, Jonathan, alors qu’il effectuait son service militaire à quelque check point perdu dans le désert. Une annonce tragique aux conséquences vertigineuses, la douleur ravivant les blessures du passé tout en soulignant les absurdités du présent…

Le foxtrot est une danse dont les protagonistes, quelles que soient les variantes apportées à leurs mouvements, finissent toujours par se retrouver à leur point de départ, comme voués au surplace en une ronde semblant pouvoir se répéter à l’infini. À savoir, en l’occurrence, une métaphore limpide pour le film, ses personnages et la société israélienne dans son ensemble. Son propos, Maoz l’orchestre tel un ballet en trois temps, embrassant, styles distincts à l’appui, les points de vue respectifs du père, du fils et de la mère, tandis qu’à la froideur initiale succède un chapitre oscillant entre onirisme et surréalisme, l’ensemble se coulant en dernier recours dans une douceur que l’on voudrait apaisante. Le tout, peuplé de fantômes comme d’envolées poético-absurdes, et lié encore par une séquence animée.

L’intérêt du film ne tient pas à sa seule composition narrative et esthétique. Et ce drame intime creusant le deuil d’un couple confronté à la perte de son enfant non sans sonder le destin et la fatalité, embrasse aussi une réalité plus vaste, brossant le portrait d’un pays hanté par le traumatisme de la Shoah, et embourbé dans le cercle de la guerre et de la violence, au nom, notamment, de ce que le réalisateur appelle « le mythe de la menace permanente ». Une perspective critique culminant à l’écran dans une bavure grossière dont l’armée s’empressera d’effacer toute trace. Si cette dimension politique n’a pas manqué de susciter une polémique en Israël (confortant incidemment le cinéaste dans son propos), voilà qui ne devrait en rien occulter les qualités de Foxtrot, un film d’une stimulante audace faisant converger ses courbes intime et collective pour s’avérer, au final, d’une fulgurante intensité comme d’une bouleversante densité humaine.

De Samuel Maoz. Avec Lior Ashkenazi, Sarah Adler, Yonatan Shiray. 1h53. Sortie: 25/04. ****(*)

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