Critique

[Le film de la semaine] Barbara, de et avec Mathieu Amalric

Jeanne Balibar dans Barbara de Mathieu Amalric © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

PORTRAIT | Avec Barbara, Mathieu Amalric s’affranchit des codes du biopic pour livrer un portrait impressionniste de la chanteuse, habitée par Jeanne Balibar.

Présenté à Un Certain Regard lors du dernier festival de Cannes, Barbara y a obtenu le prix, inédit, de la poésie du cinéma. Mieux qu’une coquetterie, une décision judicieuse, tant le film de Mathieu Amalric (lire son interview) s’écarte des canons traditionnels du biopic pour aspirer au portrait impressionniste de la dame en noir, disparue il y a 20 ans. Pour approcher l’interprète de Chapeau bas, le réalisateur de Tournée (que ce nouvel opus évoque par divers aspects, la route, la nuit, le spectacle…) recourt à la mise en abyme. Et au dispositif du film dans le film, celui que s’apprête à consacrer à la chanteuse Yves Zand (Amalric lui-même), un réalisateur transi d’admiration, avec, dans le rôle-titre, Brigitte (Jeanne Balibar, stupéfiante), une actrice aux allures de diva, débarquée semble-t-il d’Amérique.

Et le projet d’avancer à tâtons, alors que la comédienne entame un dialogue intime avec l’auteure de Göttingen, sa voix unique qui chante, débite ou soliloque, ses chansons, gravées dans la mémoire collective, ses gestes et sa mythologie, la personnalité singulière de Barbara se dévoilant par bribes, comme pour absorber cinéaste, interprète et bientôt spectateur dans un même mouvement.

Jeu de miroirs

[Le film de la semaine] Barbara, de et avec Mathieu Amalric

S’il cite Barbara ou les parenthèses, ouvrage écrit par Jacques Tournier en 1968 (dont il recrée certaines conversations), et Barbara ou Ma plus belle histoire d’amour, le documentaire que lui consacrait Gérard Vergez après l’avoir accompagnée en tournée en 1972, Barbara emprunte une ligne elliptique, débordant du cadre biographique pour se poser en célébration de la liberté, de l’imaginaire et de la création dans ce qu’elle a d’insondable, justement. Partant, Mathieu Amalric s’y affranchit de carcans narratifs trop étroits pour livrer au spectateur une oeuvre composite, fondant des éléments multiples -archives, reconstitution, temps de suspension, extraits de films, chansons, galas, adieux…- en un collage d’impressions fugitives, pour un résultat déroutant par endroits mais plus fascinant encore.

Si la chanteuse de L’Aigle noir en ressort telle qu’en elle-même sans doute, incandescente, magnétique et vertigineuse parmi d’autres qualificatifs, son mystère défloré et intact à la fois, le film est aussi autre chose, travaillant notamment les surfaces poreuses. Entre les formes et les époques, naturellement; et jusqu’à Jeanne Balibar et Barbara qui semblent s’y confondre devant l’objectif, en un enivrant jeu de miroirs où scintillerait une Balibarbara venue donner à ce film couleur nuit des contours définitivement troublants…

De et avec Mathieu Amalric. Avec Jeanne Balibar, Vincent Peirani, Aurore Clément. 1h38. Sortie: 06/09. ****

>> Notre interview de Mathieu Amalric.

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