Tanguy Labrador Ruiz

Le Coin du Stagiaire: spéciale hip hop et turntablism culturel

Le hip hop est une des cultures les plus ancrées dans notre quotidien: à la télévision, au cinéma, dans la musique ou encore dans la mode, ce courant culturel autrefois minoritaire est aujourd’hui une affaire en or. Petit résumé des oeuvres essentielles du genre.

Au début du mois de novembre, Focus Vif revenait sur 40 ans d’histoire du Hip Hop, avec notamment une petite sélection de DJ Lefto. Aujourd’hui, nous allons prendre le temps de parler une nouvelle fois de ce courant culturel majeur, présent de bien des façons dans des oeuvres de tous acabits.

Pour l’occasion, le mix hebdomadaire du Coin du Stagiaire est 100% hip hop. Sorte d’Essential Mix version Detroit, New York, Chicago et Los Angeles. De la trinité Kool Herc/Grandmaster Flash/Afrika Bambaataa à Chief Keef et la bande à Tyler The Creator, en passant par Nas, le Wu-Tang Clan, J Dilla et Common, petit tour d’horizon non exhaustif et en musique de quelques-uns des artistes qui ont marqué le genre.

Le Coin du Stagiaire E07: Spéciale Hip Hop by Lecoindustagiaire on Mixcloud

Boyz in the movies

Une culture aussi visuellement riche que le hip hop, avec ses codes vestimentaires, ses arts graphiques, son amour pour les bagnoles pimpées et son authenticité virulente, ne pouvait que se retrouver au cinéma. Quand elle n’est pas diluée dans des oeuvres aseptisées ne retenant que ses paillettes et ses chaines en or, elle inspire des films marquants et sans concessions, à l’image de sa meilleure musique.

Il y a, bien sûr, Boyz ‘n The Hood de John Singleton, classique du film de ghetto qui, certes, subit le préjudice d’une vieillesse qui passe mal, mais garde une aura et une authenticité brutes. Son scénario, qui tout comme celui de Escape From Alcatraz pour le film de prison, est devenu un cliché tant ses codes ont été réutilisés. Celui-ci dépeint le quotidien de Tre, un jeune afro-américain issu d’un ghetto de Los Angeles et qui aspire à une vie droite et bien rangée, mais qui se fait influencer au quotidien par son milieu social, ses amis, la drogue et les querelles de gangs.

Autre immense classique, Ghost Dog de Jim Jarmush, propose de revisiter le mythe du samourai au travers de la vie d’un tueur à gages (Forest Whitaker) vivant selon les règles du Hagakure, le code d’honneur des samourais écrit durant l’époque du Japon médiéval. La touche hip hop arrive lorsque RZA écrit, produit et mixe la bande originale du film. Entre deux citations du code samourai, RZA y interprète un Samurai Showdown épique. Le Wu-Tang Clan s’invite également sur l’album, tout comme Jery The Damaja et Kool G Rap, pour un résultat entré depuis dans la légende des bandes originales les plus réussies.

Retour à Los Angeles et au gangsta rap avec Menace II Society d’Albert et Allen Hughes, critique brutale et acerbe de la pauvreté au sein des minorités noires. Sur fond d’émeute et de meurtre, le film dépeint l’environnement dans lequel Caine et O-Dog vivent au quotidien: trafic de drogue, désoeuvrement, racisme et absence de future. Le tout rythmé par Pete Rock, DJ Quick et Spice 1, entre autres.

Suivons ensuite le hip hop par-dessus l’Atlantique pour atterrir dans la banlieue française avec La Haine de Matthieu Kassovitz. Nuit de violence, errance destructrice, persécution par la police, désir de vengeance sont les sujets de cette réalisation offrant à Vincent Cassel son meilleur rôle et une vision tranchante de la vie en banlieue.

Les films sur le sujet sont bien entendu nombreux, et les biopics (plus ou moins bons) ne manquent pas: 8 Mile de Curtis Hanson, Notorious de George Tillman Jr., Beat Street de Stan Lathan, Slam de Marc Levin…

Scratch my brain

Pour se plonger dans une culture que l’on ne connaît pas, ou pour simplement en apprendre davantage, le film documentaire est sans conteste l’outil idéal. Et le hip hop possède son lot de docus qui déboitent, lui aussi.

Parmi eux, le récent Our Vinyl Weighs A Ton, retrace l’histoire et les grands moments du label Stones Throw, qui pèse autant qu’un Def Jam ou un Roc-A-Fella dans l’histoire du hip hop. Fondé par Peanut Butter Wolf (dont le nom du documentaire s’inspire de l’album My Vinyl Weighs A Ton) et qui a vu des pointures telles que J Dilla, Madlib ou encore MF Doom produire en son sein. Si le film a parfois des allures de propagande, les témoignages de Kanye West, Snoop Dogg, Flying Lotus ou encore Tyler The Creator et la riche histoire du label comblent ses défauts aux yeux (et aux oreilles) des fans, qui ne pourront qu’être clément face à tant de passion.

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Qui dit hip hop, dit vêtements, l’objet vestimentaire symbolique de cette culture étant sans conteste la basket. Sneakers: Le Culte des baskets de Thibault de Longeville et Lisa Leone propose de se plonger dans l’ascension fulgurante de ces chaussures de sport, lorsque elles quittèrent les terrains de basketball pour débarquer sur les scènes de rap aux pieds des B-Boys durant les eighties. Lorsque Run DMC signa un contrat d’un million de dollars avec Adidas, les sneakers devinrent un objet de mode avant d’être un accessoire sportif, déchaînant les passions des plus consuméristes, et suscitant des émules dépassant parfois l’entendement.

Si les danseurs aimaient porter des Adidas Superstar pour glisser à toute vitesse sur le sol, il leur fallait également une musique suffisamment rythmée que pour les faire tournoyer. Et si la danse est un dialogue physique avec la musique, la prose de celle-ci dépendait des talents du DJ situé derrière les platines. Le film Scratch de Doug Pray retrace l’histoire des pionniers du hip hop qui « travaillaient cette musique en temps réel sur des platines disques , de manière à supprimer la structure couplet-refrain-couplet-pont pour des chansons populaires, et ne conservaient ainsi que des répétitions de cellules percussives complexes, fragments et réminiscences de l’histoire d’un morceau connus sous le nom de break.« [1], pour ensuite arriver à l’invention du scratching, turntablism et autre beat juggling.

Ridin’ reads

Lire en musique est une façon immersive de se plonger dans un univers. Can’t Stop, Won’t Stop de Jeff Chang fais référence en la matière. Avec ses nombreuses interviews et son excellente documentation, l’auteur décrit chaque aspect du hip hop, d’un point de vue social, historique et bien entendu, musical. L’introduction de cet ouvrage de 500 pages bien remplies a même été rédigée par DJ Kool Herc himself. Une référence à glisser sous le sapin d’un proche mélomane (ou du sien).

Moins exhaustif et plus accessible, Rap, Hip Hop, 30 années en 150 albums de Kurtis Blow à Odd Future de Sylvain Bertot propose, comme son nom l’indique, d’en apprendre plus sur 150 albums qui ont marqué l’histoire du genre, depuis sa création jusqu’en 2012. Une bonne façon de découvrir les essentiels d’un genre aux nombreuses ramifications et aux discographies souvent inégales.

Le rap game est souvent critiqué pour son rapport permanent à l’argent et au monde des affaires. Si des personnages comme Dr. Dre et Jay-Z ont popularisé ce modèle économique dès le début des années nonante, c’est l’ensemble de l’industrie musicale qui fricote de manière décomplexée avec l’argent aujourd’hui. The Big Payback du journaliste hip hop Dan Chamas raconte l’histoire de ces rappeurs qui ont fait fortune en s’improvisant hommes d’affaires, avec notamment des déclarations de Rick Rubin et de Russell Simmons, les fondateurs de Def Jam. Comme le chantent T.I. et Young Thug: « If it ain’t about the money, don’t be blowin’ me up, nigga I ain’t getting’ up, If it ain’t about the money, Ain’t no use in you ringin’ my line, stop wastin’ my time. »

[1] P. Shapiro, Modulations: une histoire de la musique électronique, p120, éditions Allia,2004

Top 10 personnel des albums Hip Hop

1) GZA – Liquid Swords

2) Snoop Dogg – Doggystyle

3) Dr. Dre – The Chronic

4) Madvillain – Madvillainy

5) J Dilla – Donuts

6) Jurassic 5 – Quality Control

7) Black Sheep – A Wolf in Sheep’s Clothing

8) Three 6 Mafia – Mystic Stylez

9) Eminem – The Marshall Matters

10) Deltron 3030 – Deltron 3030

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