Le cinéma belge va bien, ne t’en fais pas

Serge Van Eyck (Walt Disney) et Kris Peeters (vice-Premier ministre) lors de la cérémonie du Belgian Big Screen Award 2016. © BELGAIMAGE/BEA
Lola Contessi Stagiaire

Malgré la baisse de la fréquentation et des recettes des cinémas belges, le discours officiel se veut rassurant. Les causes du déficit seraient structurelles et le tax shelter prouverait chaque année son efficacité, assure Kris Peeters. Et pourtant…

Lors de leur conférence de presse annuelle, les représentants des distributeurs et propriétaires de cinémas belges se sont voulus rassurants. Pour l’année 2016, la fréquentation et les recettes des cinémas nationaux sont en baisse (respectivement de -8,22% et de -5,83%), mais le phénomène est structurel et ne doit pas provoquer d’inquiétude. Les grands responsables de cette régression seraient les Jeux Olympiques, la chaleur du mois de juillet, une production cinématographique annuelle peu fructueuse et une semaine des vacances de fin d’année volée par l’année 2017. Après un bon départ, la fréquentation des salles aurait flanché pour finalement montrer durant le dernier quadrimestre les signes bienveillants d’une remontée attendue pour 2017. Depuis une dizaine d’années, les spectateurs de cinéma sont de moins en moins nombreux: ils étaient 22 millions en 2007 et seulement 19 millions en 2016. Le directeur de la Belgian Entertainment Association assure que ces fluctuations sont dues au succès variable des films sortis chaque année. La production cinématographique de 2016 n’aura donc pas été suffisamment attractive pour les spectateurs belges.

Si le mouvement à la baisse semble faible lorsqu’il est observé sur une période de 10 ans, il s’inscrit cependant dans une tendance plus globale. Celle-ci est d’ailleurs pointée par l’Annuaire de l’Audiovisuel publié par la fédération Wallonie-Bruxelles. Depuis l’invention de la télévision et son apparition dans les foyers belges dans les années 50 et 60, la fréquentation des cinémas est en baisse. À cette concurrence s’est ensuite ajoutée celle des cassettes vidéo dans les années 90 et aujourd’hui celle des plateformes Web de téléchargement ou de visionnement… et le piratage. L’ABDF lutte d’ailleurs contre les sites illégaux au nom d’un « online fair play« . Autre détail oublié par l’ABDF et la FDB: l’impact des attentats sur les rentrées cinématographiques. Si Kris Peeters évoque « la terreur« , c’est pour rappeler l’importance du cinéma dans ce contexte morose. Pourtant, les attentats et les mesures de protections accrues pourraient en partie expliquer la baisse de fréquentation des salles au 2e quadrimestre de 2016.

On met surtout l’accent sur l’apparition de nouvelles salles, la construction de grands complexes et l’investissement des cinémas dans les nouvelles technologies. À Bruxelles, Kinepolis vient par exemple de rouvrir une salle Imax, tandis que le White Cinema a ouvert ses portes aux Docks en janvier dernier. Ces investissements semblent cependant s’accompagner d’une augmentation du prix du billet. Si elle n’était pas mentionnée par les conférenciers du jour, elle est analysée par la fédération Wallonie-Bruxelles. De 2005 à 2014, le prix moyen du billet a augmenté de plus de 24%… De quoi maintenir les recettes des cinémas belges à flot.

C'est Le Monde de Dory qui a attiré le plus de monde dans les salles.
C’est Le Monde de Dory qui a attiré le plus de monde dans les salles. © Disney

Les films au top

The Revenant, Finding Dory et Fantastic Beasts ont engrangé le plus de profits dans nos salles. Les films qui ont fait le bonheur des distributeurs belges sont donc principalement américains. Petite revanche belge: De Premier arrive en 8e position alors que ce film d’Erik van Looy est sorti il y a 4 mois à peine. Il trône également au sommet du classement des films belges les plus regardés dans nos salles. À ses côtés se retrouvent Safety First et De Buurtpolitie, de Groote Geldroof. Au niveau national, ce sont donc les films flamands qui cartonnent.

Cette année, les distributeurs et propriétaires de cinémas belges décernaient pour la première fois le Belgian Big Screen Award au film ayant comptabilisé le plus d’entrées. On saluera l’enthousiasme de Kris Peeters qui déclare que « le cinéma vit » et qu’« il attire toujours des millions de personnes par an ». Pourtant, alors qu’il s’apprêtait à remettre le Belgian Big Screen Award à la compagnie de distribution Disney pour le succès de Finding Dory, sa défense du tax shelter belge produisait un écho dissonant. Le système d’exonération fiscale visant à favoriser les investissements dans le secteur audiovisuel aurait apporté un montant de 55 millions d’euros aux producteurs de films. Le nombre de productions belges distribuées a augmenté en 2016 (passant de 25 à 34), mais ne représente pourtant que 9% des recettes belges par rapport à une production américaine responsable de presque 78% des revenus.

Malgré les soutiens étatiques, le cinéma belge et européen souffre de la concurrence féroce des films américains. À l’heure où l’on discute de traités de libéralisation des marchés (CETA, Digital Single Market), le secteur du cinéma s’inquiète et l’ABDF relaie ses peurs. Craignant une concurrence accrue, elle fait appel au respect de la diversité culturelle et linguistique pour protéger ses productions déjà fragiles. Malgré les discours rassurants, l’équilibre du cinéma belge semble précaire à l’aube de cette années 2017.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content