Critique

[Critique ciné] La Vie d’Adèle – chapitres 1 et 2

Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux dans La Vie d'Adèle © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Le cinéma d’Abdellatif Kechiche ressemble à un tourbillon entraînant le spectateur en un puissant torrent d’émotions.

Affinée de La Faute à Voltaire à La Graine et le mulet, la formule trouve un aboutissement provisoire dans La Vie d’Adèle – chapitres 1 et 2, fort libre adaptation du roman graphique de Julie Maroh, Le Bleu est une couleur chaude. Elle embrase d’ailleurs l’écran lorsque Adèle (Adèle Exarchopoulos), une lycéenne de 15 ans, croise un jour Emma (Léa Seydoux), quelques printemps de plus sous ses cheveux bleus. L’échange de regards est furtif, leur vie vient pourtant de basculer, sous l’effet d’une attraction irrésistible. Pour Adèle, adolescente n’ayant jamais vraiment remis en question le précepte voulant qu’une fille sorte avec des garçons, la rencontre fait aussi office de révélation: au contact d’Emma, la voilà qui s’éveille au désir, un monde s’ouvrant alors devant elle. Et de se jeter à corps perdu dans l’aventure de l’existence, pour s’épanouir dans une relation où l’osmose est parfaite dans un premier temps, tout en s’affirmant face aux regards des autres…

Un corps frémissant

La Vie d’Adèle est d’abord l’histoire d’une éclosion, celle d’une jeune fille et d’une actrice, Adèle Exarchopoulos, dont on a l’impression qu’elle se produit littéralement devant la caméra, un peu comme pour la Sandrine Bonnaire de À nos amours. C’est aussi une histoire d’amour et une affaire de couple, dont Kechiche donne à partager la (dé)mesure passionnée. Comme souvent avec le réalisateur, l’expérience est physique, et même charnelle, et pas seulement parce que la sexualité et le plaisir explosent ici à l’écran dans des scènes explicites, mais parce que c’est tout le film qui ressemble à un corps frémissant, où la sensualité affleure de chaque scène. Au passage, et tandis que l’histoire impose son rythme dans un étirement pratiquement hypnotique, le cinéaste en dévide les motifs sous-jacents, en un mouvement aussi naturel qu’impérieux. La condition sociale est l’un d’eux, qui appose ses carcans sur leur passion, tout en inscrivant, au même titre que la transmission d’ailleurs, le propos dans la continuité de l’oeuvre.

Mais si le film est pratiquement inépuisable, sa force tient aussi à sa simplicité même: ce que Kechiche parvient à capter ici, c’est la pulsion irrésistible des sentiments, et, partant, quelque chose qui ressemble à la vibration de la vie. L’expression ne serait à ce point galvaudée que l’on dirait ce ballet des corps, des âmes et des sens touché par une grâce que transcendent encore ses deux formidables comédiennes. Inutile de préciser qu’il ne faudrait surtout pas réduire La Vie d’Adèle aux polémiques qui auraient pu ternir l’éclat d’une Palme d’or indiscutée. Porté par un souffle enivrant, c’est là un pur chef-d’oeuvre, un film en prise sur son temps, comme sur l’intemporalité du sentiment amoureux. Magique et rare.

  • DRAME D’ABDELLATIF KECHICHE. AVEC ADÈLE EXARCHOPOULOS, LÉA SEYDOUX, MONA WALRAVENS. 2H55. SORTIE: 09/10.
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