Juliette Binoche: « La vie est une grosse comédie »

Juliette Binoche dans Un beau soleil intérieur de Claire Denis. © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Juliette Binoche écume l’open bar des relations amoureuses comtemporaines dans une comédie décapante signée Claire Denis, Un beau soleil intérieur. Rencontre.

Depuis la pièce voisine, un rire tonitruant. Claire Denis s’interrompt, amusée: « Ah ça, c’est Juliette… » Les deux femmes se connaissent depuis plusieurs années mais n’avaient jamais travaillé ensemble. « En écrivant le scénario, j’ai eu très tôt en tête l’image d’une femme brune et sensuelle, se souvient la réalisatrice. Avec Juliette, on a compris que c’était le moment de la rencontre de cinéma. » Ce que confirme l’actrice dans la foulée, avant de revenir longuement sur son rôle dans le film: « Je crois qu’on est tous des désespérés d’amour. Isabelle est fragile mais sa fragilité la rend forte en un sens, parce qu’elle permet une porosité. Si on est trop dur, rien ne peut rentrer à l’intérieur de soi et on se casse. La porosité permet une écoute, un changement. Peut-être qu’en tant qu’artiste elle a moins peur de s’exposer et d’avoir mal. Elle se jette dans un amour possible comme elle se jette dans une peinture. Jusqu’au moment où elle se retrouve face à quelque chose qu’elle ne peut plus supporter: la manipulation, la confusion, l’incompréhension… Mais tous ces rendez-vous manqués l’aident aussi à mieux se connaître, à mieux identifier ce vers quoi elle tend. C’est un peu comme chez les soufis, où l’on définit Dieu par ce qu’il n’est pas. On ne peut pas dire ce que c’est, mais on sait quand ce n’est pas ça. Le grand amour qu’Isabelle recherche c’est pareil. La soif d’absolu, elle est en chacun. Ça traduit le désir d’une unité en soi, mais qu’on recherche souvent à l’extérieur de soi.On se fourre dans des situations quand même, dans la vie… Je pense que si on voyait son existence de l’extérieur, on rirait beaucoup plus. La vie n’est pas une tragédie, c’est vraiment une grosse comédie (sourire). Il y a une telle absurdité dans la vie et la mort. C’est pour ça, je crois, qu’il y a des gens qui rient dans les enterrements. »

Autre première fois, et quelle première fois: la confrontation devant une caméra avec Gérard Depardieu, monstre sacré qui avait tout de même lâché dans un canard autrichien en 2010 à propos de Binoche: « J’aimerais bien savoir pourquoi on l’estime depuis toutes ces années. Elle n’a rien. Absolument rien. » Retour du rire tonitruant et explications de l’intéressée: « Trois mois après ses chaleureuses déclarations, je vais faire mon marché à Raspail un dimanche matin et j’aperçois Gérard avec son casque de moto. Là je fonce vers lui et je l’enlace de mes deux bras. Je ne sais pas très bien pourquoi. Disons que c’est une partie de moi qui y est allée, sans que j’en sois vraiment consciente. Et je lui dis: « Mais qu’est-ce qui se passe, Gérard? Qu’est-ce que je t’ai fait? Pourquoi t’es comme ça avec moi? » Il m’a répondu en grognant: « Faut pas faire attention à ce que je raconte. Je dis que des conneries. » Sa présence sur le film de Claire a scellé l’accalmie. On a tourné cette scène en une journée. Ça a été très joyeux. »

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