« Hey @realDonaldTrump u up? »: la politique était partout aux Oscars

Barry Jenkins, qui porte un ruban bleu en soutient à l'ACLU, et Adele Romanski reçoivent l'Oscar du meilleur film pour Moonlight © EPA
Lola Contessi Stagiaire

Des prix résolument politiques, un Jimmy Kimmel ironisant sur Donald Trump, des absents plus que flagrants, de petits rubans bleus sur les tapis rouge… Retour sur les moments politiques phares de cette 89e édition des Oscars.

Une fois de plus, la politique aura fait mille apparitions à la cérémonie des Oscars, prouvant que la sphère cinématographique sait user de son pouvoir pour protester et transmettre ses idées. Si certaines interventions étaient flagrantes, il fallait ouvrir l’oeil pour discerner les autres.

Le tapis rouge des Oscars voit chaque année défiler les tenues les plus chics et les plus extravagantes. Cette fois, des rubans bleus se sont invités au dress-code, mais ils ne devaient rien aux dernières trouvailles de la mode. De nombreuses personnalités les portaient en soutient à l’organisation de défense des libertés civiles ACLU. La protestation politique se profilait déjà depuis les abords du Dolby Theatre d’Hollywood.

L’animateur du talkshow Jimmy Kimmel Live présentait cette 89e cérémonie. S’inscrivant dans ce qui est en passe de devenir une tradition, il n’a pas hésité à aborder la politique de Donald Trump sur le ton de l’ironie. « Nous sommes très accueillants envers les étrangers« , a-t-il déclaré. « Nous ne discriminons pas les gens selon leur pays d’origine » mais « en fonction de leur âge et de leur poids« , a-t-il ajouté, évoquant la récente polémique quant à l’absence de femmes mûres dans le cinéma hollywoodien. Il a ensuite lancé une standing ovation pour Meryl Streep, victime des tweets assassins de Donald Trump suite à une intervention jugée trop politique aux Golden Globes. Le président américain l’avait taxée d’actrice hollywoodienne surcotée, ce que les applaudissements nourris du public et la 20e nomination de l’actrice aux Oscars semblent démentir. Jimmy Kimmel, connu pour ces vidéos où les stars lisent face caméra des tweets méchants les concernant, n’a pas hésité à faire un détour par son réseau social favori. S’étonnant de n’apercevoir aucun message désobligeant sur le compte de Donald Trump, il l’a interpellé d’un « Hey @realDonaldTrump, vous êtes réveillé?« . Si le présentateur moqueur n’a pas reçu de réponse, il a recueilli plus de 400.000 likes.

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Jimmy Kimmel a également souligné avec soulagement que les services douaniers américains avaient laissé entrer l’actrice française Isabelle Huppert sur le territoire américain. Si le présentateur s’attaquait au décrit migratoire aujourd’hui abrogé du président américain dans un registre humoristique, d’autres ont évoqué le sujet sur un ton plus sérieux. C’est le cas d’Alessandro Bertolazzi qui a dédié son prix du meilleur maquillage et de la meilleure coiffure pour le film Suicide Squad à « tous les immigrés« . Autre déclaration forte, celle du réalisateur iranien Asghar Farhadi, lue par l’ingénieure Anousheh Ansari en son nom. Le réalisateur du meilleur film étranger de l’année, Le Client, avait décidé de boycotter la cérémonie avec son actrice principale pour s’opposer au décret migratoire de Donald Trump. Il a donc rappelé que son absence était une marque de respect à l’égard des citoyens iraniens et ceux des six autres pays concernés par la tentative inhumaine de bannissement du président américain. Il a ajouté qu’en les catégorisant comme les « ennemis » de l’Amérique, il nourrissait la peur, justification de toutes les guerres et violences.

Barry Jenkins, recevant l’Oscar de la meilleure adaptation pour son film Moonlight, a également rassuré ceux qui ont « l’impression qu’il n’y a pas de miroir pour » eux. « L’Académie vous soutient, l’ACLU vous soutient, nous vous soutenons, et durant les quatre prochaines années, nous ne vous oublierons pas« , a-t-il déclaré. L’un des co-réalisateurs, Rich Moore, a félicité les spectateurs qui « partout dans le monde (…) apprécient ce film« , cette « histoire dans laquelle la tolérance est plus forte que la peur de l’autre« . Moonlight l’a donc emporté face à La La Land malgré ce moment de flottement invraisemblable durant lequel les vaincus ont cru recevoir la statuette dorée et ont dû la restituer à l’équipe rivale. Cette 89e cérémonie des Oscars ne pourra donc être attaquée quant à son manque de diversité. Blancs, noirs, femmes, hommes, jeunes ou vieux, tout le monde semblait y être représenté.

La politique s’est immiscée jusque dans les spots publicitaires qui entrecoupaient la cérémonie. Le New York Times, particulièrement critiqué par Donald Trump, en a donc profité pour lancer une nouvelle publicité et dénoncer les « faits alternatifs » du gouvernement américain. Dans le clip d’une trentaine de secondes, les phrases se succèdent, mêlant le vrai au faux, tandis que des voix se superposent pour former un ensemble chaotique. La vidéo s’achève sur la phrase « la vérité est plus importante aujourd’hui que jamais« . Dans le même esprit, le nouveau clip publicitaire d’Audible faisait lire à Zachary Quinto un passage du livre 1984 de George Orwell.

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Les récompenses attribuées faisaient également écho à l’ambiance de protestation et d’engagement qui régnait durant la cérémonie. Ainsi, Zootopia a décroché l’Oscar du meilleur film d’animation pour sa description colorée d’un monde animal divisé par les stéréotypes et les peurs. Alors que les discriminations envers les animaux sauvages, considérés comme dangereux et inadaptés à la vie en société, se multiplient, une petite lapine décidait de mener l’enquête et de privilégier l’amitié. Un beau message donc pour un Disney de facture classique. Le jury a également récompensé Le Client, malgré le boycott de la cérémonie par son réalisateur Asghar Farhadi, et White Helmets, un documentaire syrien réalisé par des membres de la Syria Defence Civil. L’équipe du film brillait par son absence, inattendue et mystérieuse. Alors que plusieurs membres bénéficiaient de visas américains, leur voyage a été empêché au dernier moment et certains craignent que le gouvernement de Bashar Al-Assad n’ait sa part de responsabilité. C’est du moins ce qu’affirme The Guardian, qui rappelle que le gouvernement syrien avait accusé la Syria Defense Civil d’être à la solde d’Al-Qaeda et de produire de « fausses images des conséquences des tirs aériens dans un objectif de propagande. » Le groupe de citoyen syriens avait reçu le prix Nobel en 2016 pour avoir extrait des débris et sauvé sans relâche des milliers de citoyens victimes du conflit sévissant dans le pays.

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Des rubans bleus, des discours protestataires et politiques, des absences révélatrices, des récompenses orientées et des spots publicitaires engagés: les Oscars 2017 étaient résolument politiques. Les artistes du monde cinématographique s’expriment à Hollywood, mais parlent-ils vraiment à l’Amérique? Le site Bloomberg affirme que les gagnants de l’Oscars de la meilleure photographie produit de moins en moins bons résultats au box-office us. La victoire de Moonlight, le film nommé le moins regardé par les spectateurs américains, semble confirmer leur hypothèse. Si la cérémonie des Oscars est magnifiquement transformée en tribune politique par les artistes du monde entier, il semblerait que leur tirade atteigne en priorité les pays étrangers. Les artistes parlent en priorité aux élites et il leur faudra redoubler d’efforts pour toucher au coeur de l’Amérique.

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