Serge Coosemans

Golden Globes, guerre civile psychologique et grosse panade

Serge Coosemans Chroniqueur

Meryl Streep a fait le buzz en attaquant Donald Trump la semaine dernière aux Golden Globes mais toute cette agitation cache très mal le repositionnement « politiquement correct » d’un show qui était jusqu’ici nettement plus décadent et fun, estime Serge Coosemans. Pop-culture et grosse panade, c’est le Crash Test S02E16.

Le gigantesque buzz autour du discours anti-Trump de Meryl Streep dimanche dernier aux Golden Globes a, me semble-t-il, éclipsé quelque-chose de beaucoup plus important et notable que cette très prétentieuse et très démagogique petite tirade. Les Golden Globes ont été lessivés, recalibrés, politiquement corrigés. Ricky Gervais et ses hilarantes insultes trash ne sont plus de la partie. L’an dernier, ce sont des films et des séries comme The Revenant, Room, The Martian, Steve Jobs et Mr Robot qui ont été au mieux récompensés. En 2017, par contre, les grands gagnants sont Moonlight, un drame déjà très critiqué du fait que l’homosexualité du personnage principal est abordée avec énormément de pincettes, et La La Land, une comédie musicale joliment nostalgique. Ainsi que des biopics de la Reine d’Angleterre et de Jackie Kennedy. Et The Night Manager, une adaptation de John Le Carré décriée comme tellement prévisible et pataude que Charlie Brooker l’avait cruellement comparée à un remake de la comédie Fawlty Towers dans son Wipe 2016.

Peut-être ces productions valent-elles toutefois le coup? Peut-être pas. Je n’en sais rien, je n’en ai vu aucune. L’ennui, c’est que je ne ressens pas non plus d’urgence de vérifier si c’est bien ou pas, tout ça, de tels sujets et de tels pitches ne suscitant aucune envie en moi. Je n’ai pas vraiment aimé The Revenant, Room, The Martian ou Mr Robot mais l’idée de voir ce que ça donnait m’excita à chaque fois, par contre. Un western mystique et violent avec des plans-séquence complètement dingues, un film de séquestration au déroulement inattendu ou encore une série parano avec un hacker qui souffre d’une perception tronquée de la réalité, ça me parle en effet nettement plus qu’un film social gay entièrement bidouillé par des hétéros et des biopics qui font plus penser à des conduites d’émissions de Stéphane Bern et de Frédéric Mitterrand qu’à une expérience cinématographique capable de rendre exalté et fiévreux.

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En fait, cette cérémonie m’a surtout donné l’impression, et Meryl Streep y est forcément pour beaucoup, que ce coup-ci, on n’était pas là pour honorer des films mais bien pour défendre des valeurs, mettre le paquet sur des productions avec « un message », se positionner en tant que bastion adversaire du président-élu. Autrement dit, récompenser des films et des séries non par pour ce qu’ils sont réellement mais bien pour la façon dont ils pourraient être interprétés, vus et reçus dans le contexte politique actuel. Cette année, les Golden Globes tenaient donc moins de la grosse sauterie un poil décadente, le pendant fun des Oscars, que de l’opération de guerre civile psychologique, de la mission de sape morale menée par l’industrie hollywoodienne contre le Washington de Donald Trump. Finie la rigolade à la Gervais, c’est comme si désormais, ils s’étaient tous positionnés en grands modèles de vertu et d’humanisme. Autrement dit, à oeuvrer dans la pure représentation, vu qu’Hollywood n’est pas vraiment réputé être un incubateur de sainteté, ni une capitale mondiale de l’élégance morale.

Ce qui rappelle forcément la Palme d’Or de 2004 décernée à Fahrenheit 9/11, prix jusque-là prestigieux soldé à un documentaire problématique et partiellement mensonger simplement pour adresser un gros « fuck off » à George W. Bush. Une posture de défiance qui avait pu paraître courageuse, avait masturbé quelques consciences mais a surtout, je pense, depuis complètement déprécié la valeur de cette maudite Palme d’Or, dont l’aura ne s’en est jamais vraiment remise. Si Donald Trump est toujours là en 2018(1) et que les Golden Globes continuent à pédaler dans la panade politiquement correcte plutôt que de réellement faire marrer en montrant les canines et d’honorer de vrais emballements cinématographiques, le prestige de la manifestation risque donc aussi d’en souffrir, je pense. Avec ses conneries, Ricky Gervais se foutait à dos des acteurs et des producteurs et c’était très marrant, l’image rendue du milieu était mensongère mais cool. Là, en plein repositionnement, Meryl Streep a réussi à considérablement se faire applaudir mais aussi à se foutre sur le dos une grosse partie de la droite, des fans de foot et d’arts martiaux et de tous ceux s’étant sentis traités de gros beaufs par ses remarques. De un, comme message fédérateur, ouvert et humaniste, on a connu mieux. De deux, comme dans tout commerce, il est permis à Hollywood de se taper dessus entre soi, pas de s’aliéner la clientèle potentielle. Bref, pour des spécialistes du cinéma et de la télé, c’est quoi ce plan corniaud de complètement changer les modalités alors que le public est à peine habitué et apprivoisé?

(1) Comme le dit Alec Baldwin dans son dernier sketch de SNL où il interprète Donald Trump: « la semaine prochaine, je serai le 45e président des États-Unis et dans 2 mois, Mike Pence en sera le 46e ».

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