Fin de partie à Venise: Les copains d’abord

Sacré Quentin! Le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur de Kill Bill tient ses amis en haute estime.

Un prix à Sofia Coppola (photo), un autre à Monte Hellman, et deux (!) à Alex de la Iglesia: n’en jetez plus, la coupe est pleine; encore heureux que Machete, de Robert Rodriguez, était présenté hors compétition. Au-delà de ce constat, le palmarès concocté par Quentin Tarantino et son jury appelle divers commentaires. Sofia Coppola Lion d’or, ce n’est peut-être pas un scandale, eu égard au talent incontestable de la réalisatrice de Virgin Suicides. Cela posé, en dépit d’une exécution irréprochable, son Somewhere est une cruelle déception, et confirme que son inspiration suit une courbe descendante – voilà un film où tout est dit au bout d’une séquence à peine, magnifique au demeurant, qui voit une Ferrari pilotée par une star hébétée faire des ronds dans le sable; lost in Hollywood, et bientôt in translation le temps d’une séquence milanaise.

La suite du palmarès a tout du panachage discutable. Deux prix à Alex de la Iglesia, c’est au moins un de trop: passe encore pour la mise en scène, virtuose par endroits, de Balada triste de trompeta, mais quid de celui du scénario, pour un film basculant à mi-parcours dans la plus profonde confusion? Deux prix pour Jerzy Skolimowski, c’est beaucoup là aussi, mais pas totalement injustifié: Essential Killing restera comme l’un des films les plus forts du Festival, tandis que Vincent Gallo est proprement stupéfiant dans le rôle de bête traquée que lui a confié le vétéran polonais. Lequel, au sujet de son fantasque acteur, a eu cette tirade définitive lors de la conférence de presse: « Quoi qu’il vous fasse subir, cela en vaut la peine, parce qu’il donne une performance phénoménale. » Point barre.

La suite est plus anecdotique, sans doute: Ariane Labed reçoit un prix d’interprétation pour Attenberg, son premier rôle, là où celui de la révélation semblait plus approprié. Ce dernier échoit à Mila Kunis, pour Black Swan -c’est Natalie Portman, brillante dans le rôle principal qui a dû apprécier ce tour de passe-passe. Enfin, Monte Hellman, réalisateur culte de Two-Lane Blacktop et producteur de… Tarantino pour Reservoir Dogs, repart de Venise avec un Lion spécial, ce qui n’est certes pas insultant.
Avec quatre prix sur les neuf de la compétition octroyés à des films ou artistes venus des USA, le jury a fait preuve, n’en déplaise à Tarantino, d’un américano-centrisme peu en phase avec la variété de la sélection. Le cinéma asiatique, en particulier, apparaît comme le grand oublié du palmarès, mais il n’est pas le seul. On ajoutera à cela un manque d’audace criant : Skolimowski et Hellman ont entamé leur parcours dans les années 60; alors que Sofia Coppola et Alex de la Iglesia, sont des cinéastes établis. De la nouvelle génération, qui a valu à cette Mostra quelques-uns de ses plus beaux moments, nulle trace si ce n’est le prix technique octroyé à Silent Souls, du Russe Aleksei Fedorchenko, les Pablo Larrain, auteur de l’épatant Post-Mortem, Kelly Reichardt et autre Saverio Costanzo passant pour leur part aux oubliettes des délibérations.
Autant dire qu’il y a là comme un parfum de controverse; pas de quoi, pour autant, faire oublier la qualité d’ensemble exceptionnelle de cette Mostra…

Jean-François Pluijgers

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