Festival de Deauville: Les fantômes aussi ont du vague à l’âme

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Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Premier éclair de génie au Festival du Cinéma américain avec la présentation en compétition de A Ghost Story de David Lowery.

L’anecdotique Beach Rats d’Eliza Hittman et le très consensuel Gifted de Marc Webb ont lancé en mode mineur samedi la compétition du 43e Festival du Cinéma Américain de Deauville. Changement radical de registre ce dimanche avec la présentation du nouveau long métrage de David Lowery, le réalisateur texan de Ain’t Them Bodies Saints, qui retrouve ici son frémissant tandem d’acteurs Casey Affleck-Rooney Mara pour une méditation poétique sur la perte, la mémoire, le temps et notre présence au monde à vivre comme une expérience de cinéma totale. Soit une envoûtante variation sur le motif éculé de la maison hantée où les protagonistes sont désignés par une simple lettre: à la mort de C (Casey Affleck), M (Rooney Mara) se retrouve seule dans leur maison, frappée par le deuil. Et le premier d’assister impuissant, ou presque, à la suite des événements…

Peu enclin à recourir aux effets de manche ou à la poudre de perlimpinpin, Lowery figure son fantôme de manière littérale: un grand drap blanc avec deux trous façon Scooby-Doo. Pas la moindre des audaces d’un film dont l’une des plus belles vertus est sans doute de ne ressembler à aucun autre, même si David Lowery y fait aussi la nique à Terrence Malick sur son propre terrain, celui du trip élégiaque aux accents de paradis perdu. Jamais pontifiant, un geste de cinéma, un vrai, carburant aux ellipses narratives gonflées dans une logique minimale où moins on en dit plus on en dit. Mutique, contemplatif, jamais là où on l’attend, le film, dont l’improbable climax intervient le temps d’un vertigineux monologue du folkeux Will Oldham sur la fin programmée de l’humanité, saisit l’errance cotonneuse de son ectoplasme sur le mode de l’enfermement, impression renforcée par un format image ramassé qui rappelle celui d’un carton de déménagement. Even ghosts get the blues, en somme. Le tout sous l’aura bienveillante de Virginia Woolf dont la nouvelle A Haunted House tient lieu de sésame au film: « Whatever hour you woke there was a door shutting. From room to room they went, hand in hand, lifting here, opening there, making sure -a ghostly couple. » Fascinant.

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