Festival de Cannes: le palmarès commenté

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

C’est peu dire que Jane Campion aura sorti quelques surprises de son chapeau de présidente du jury du 67e festival de Cannes.

Dans la course à la Palme d’or, Winter Sleep (Sommeil d’hiver), du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, couronné samedi soir, faisait ainsi figure d’outsider, les frères Dardenne avec Deux jours, une nuit, la Japonaise Naomi Kawase avec Still the Water et le Canadien Xavier Dolan, avec Mommy, recueillant une majorité des suffrages. On peut supposer que les premiers ont été victimes de leur statut de multi-primés, la cinéaste nippone étant l’autre grande oubliée du palmarès, là où Dolan aura dû se « contenter » du prix du jury. Si elle a pu surprendre, la Palme octroyée à Nuri Bilge Ceylan vient consacrer un grand cinéaste, auteur des extraordinaires Il était une fois en Anatolie et Les trois singes (respectivement Grand Prix et prix de la mise en scène à Cannes). Il porte, avec Winter Sleep, un regard particulièrement pénétrant sur l’homme, le temps d’une joute verbale à trois voix inscrite dans le paysage de la Cappadoce. Soit, inspirée par Tchekhov, une oeuvre dense et imposante, ne révélant toute sa vérité que sur la distance – 3h15 quand même.

Incompréhensible, par contre, apparaît le Grand Prix accordé à Le Meraviglie, second long métrage de l’Italienne Alice Rohrwacher, un film ésotérique certes sympathique, mais pas moins foutraque voire même bancal. Et, en tout état de cause, l’invité surprise du palmarès. Le prix de la mise en scène à Bennett Miller, pour Foxcatcher, relève lui aussi de l’inattendu, encore que nul ne songerait à contester les immenses qualités, formelles et narratives du film, la relation toxique s’y développant entre un riche héritier en mal de reconnaissance et deux frères lutteurs n’étant pas sans évoquer The Master, de Paul-Thomas Anderson. Il y avait là, toutefois, de l’avis général, un film plus profilé pour les Oscars que pour la compétition cannoise. Sans doute faut-il voir dans ce prix, comme dans le Grand Prix, mais aussi un prix du scénario entièrement justifié au Leviathan, d’Andreï Zviaguintsev, la volonté de saluer une nouvelle génération de cinéastes. Laquelle est d’ailleurs incarnée d’éclatante manière par Xavier Dolan, dont le Mommy aurait pu prétendre à mieux encore qu’un prix du jury. Il le partage avec Jean-Luc Godard, dont l’on suppose qu’il s’agissait là de rendre hommage à sa contribution, essentielle, au Septième art, plutôt que de vanter l’intérêt, relatif, de son Adieu au langage. Enfin, les prix d’interprétation donnent une coloration fort anglo-saxonne au palmarès. Celui de Timothy Spall, impressionnant Mr. Turner pour Mike Leigh, ne se conteste pas; quant à la palme octroyée à Julianne Moore, si elle va à une comédienne d’exception, elle n’en récompense pas moins, avec Maps to the Stars, une oeuvre que l’on peut considérer comme mineure dans le parcours de son auteur, David Cronenberg…

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