El Secreto de sus ojos, trois films en un

Oscar du meilleur film étranger, ce drame Argentin révèle peu à peu plusieurs natures fascinantes, du film d’amour au film politique en passant par le polar. à découvrir!

De Juan José Campanella. Avec Ricardo Darin, Soledad Villamil, Pablo Rago.

Les cinéastes argentins n’ont donc pas fini de nous surprendre… agréablement. Aux minimalistes alliant émotion et style, une vague bienfaitrice dont Carlos Sorin (Bombon el perro, La Ventana) est l’incarnation majeure, s’ajoutent désormais des réalisateurs à l’approche plus classique, mais dont les films possèdent eux aussi une belle richesse intérieure. C’est le cas d’El Secreto de sus ojos, récemment consacré meilleur film en langue étrangère par l’Académie des Oscars. Juan José Campanella y applique le principe des poupées russes à un récit dont les différentes couches se révèlent progressivement de très fascinante manière.

Tout commence par un crime, le meurtre très violent d’une jeune femme, dans le Buenos Aires des années 70. Et simultanément par les retrouvailles de deux juristes ayant été les protagonistes de l’affaire. Irene était juge d’instruction, Benjamin faisait partie de son équipe d’enquêteurs, et ils se retrouvent 25 ans plus tard avec le sentiment d’un double échec.

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Le coupable du terrible crime a échappéà sa juste punition, et l’histoire d’amour qui s’est ébauchée entre Irene et Benjamin ne s’est pas concrétisée. Lui, en tout cas, n’a rien oublié. Il suffit de le voir la regarder pour comprendre qu’une flamme singulière brûle encore en lui. Et pour ce qui est de l’affaire, il a décidé de l’évoquer dans un roman inspiré par les faits et les mystères qui y restent associés. Tout en revisitant ses souvenirs, il va aussi recommencer une enquête dont le non-aboutissement laisse en lui comme une plaie. Et tout en progressant vers une vérité interdite, il va voir renaître en lui l’espoir de conquérir Irène…

Atmosphère envoûtante

Deux genres (film d’amour, film policier), deux époques (les années 70 et aujourd’hui) s’imbriquent avec force et subtilité dans El Secreto de sus ojos. Mais un nouvel élément va s’y ajouter quand les recherches de Benjamin mettent à jour les liens qui ont pu exister entre le présumé coupable, son impunité, et le contexte politique du pouvoir péroniste (1).

Ainsi ne cesse de s’élargir le registre d’un film réalisé dans un style classique, soigné, tendu. Ricardo Darin est excellent dans le rôle de Benjamin, à la fois narrateur et protagoniste d’une histoire dont Borges n’aurait sans doute pas manqué d’apprécier le jeu sur la mémoire et les subtiles imbrications.

Derrière la caméra, Juan José Campanella réussit à créer une atmosphère envoûtante, étouffante. Et sa narration très assurée captive de bout en bout. D’autant qu’il réussit sur tous les tableaux. Celui de la passion frustrée, des occasions manquées, du désir qui renaît. Celui de l’enquête en constant développement. Et celui d’une exigence de justice au sens strict (face au crime individuel) qui s’inscrit avec force dans le déni de justice (collectif) du régime argentin d’alors.

Louis Danvers

(1) L’Argentine vivait en 1974, à l’époque du crime et de l’enquête évoqués par le film, sous le péronisme, régime dominé par un leader fort, Juan Peron, aux idées et méthodes proches de celle d’un Franco en Espagne ou d’un Salazar au Portugal. Peron décéda le 1er juillet de cette même année, et sa troisième épouse, Isabel Martinez de Peron, lui succéda.

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