Eat, pray, love, and enjoy Julia Roberts

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Julia Roberts rayonne dans « Eat, Pray, Love », le voyage initiatique d’une femme partie se réinventer de Rome à Bali en passant par l’Inde. Et un rôle allant comme son sourire à une actrice plus épanouie que jamais.

C’est jour de première, sur la Piazza della Repubblica, au coeur de Rome. Le tapis rouge n’est pas encore installé que, déjà, les badauds se pressent, donnant à l’endroit des allures de Croisette par une après-midi de mai. Si la ferveur accompagnant chacune de leurs apparitions est le baromètre de la popularité des stars, l’accueil réservé, quelques heures plus tard, à Julia Roberts justifie assurément les sourires, radieux, qu’elle dispense sans compter, pro jusqu’au bout des ongles, au point de poser, sous des bravos redoublés, avec un bambin hissé au-dessus des barrières Nadar.

En toute chose, il y a la manière; celle de Julia Roberts allie naturel et charme, qualités qu’elle laisse parler à l’écran (ainsi, aujourd’hui, dans Eat, Pray, Love, véhicule parfaitement adapté à sa maturité épanouie), comme dans ces circonstances dont elle s’accommode avec une fraîcheur déconcertante, sans que leur répétition ne donne à entrevoir le moindre signe de lassitude. C’est, du reste, dans des dispositions voisines qu’on la retrouve le lendemain à l’heure de l’interview, exercice qu’elle aborde de fort bonne humeur, le rire aussi prompt qu’irrésistible, et dispensant le trouble presque malgré elle. Ainsi, d’une consoeur, littéralement subjuguée qui, à l’actrice lui faisant remarquer qu’elle n’avait guère entendu le son de sa voix, ne pourra que rétorquer, dans un élan désarmant de sincérité: « Je vous regarde… »

On ne s’en lasserait, pour tout dire, pas. Ni d’ailleurs de l’écouter parler d’un film qui la ramène sur des toiles qu’elle n’avait jamais tout à fait désertées, ce qui n’a pas empêché le terme de come-back de poindre, ici ou là. « Lorsque j’avais 25 ou 26 ans à peine, j’en étais déjà à mon cinquième, voire à mon huitième come-back. Ce genre de considération relève donc plutôt de l’illusion à mes yeux, je n’y prête guère attention. »

Avant de devenir un film hollywoodien, Eat, Pray, Love fut un succès d’édition. Publié aux Etats-Unis en 2006, le récit autobiographique du voyage initiatique entrepris par Elizabeth Gilbert au sortir d’un divorce délicat a séduit des millions de lecteurs et lectrices. L’histoire a, il est vrai, une résonance universelle, à laquelle Julia Roberts n’a pas été insensible: « J’ai lu le livre à sa sortie, et je l’ai trouvé formidable. C’est l’exemple type de l’ouvrage que l’on a envie de partager avec des amis, de ceux à qui l’on dit: « j’ai lu un bouquin génial… ». Quelques années sont passées, et Ryan Murphy, dont je connaissais Nip/Tuck et le ton si original m’a appelée, avec un scénario, et une invitation à déjeuner… »

On n’y verra certes pas une contingence fortuite, tant le volet culinaire du film participe à la reconstruction de cette femme, qu’un séjour en Italie aidera à croquer à nouveau à belles dents dans l’existence, avant qu’elle ne s’engage dans d’autres quêtes, spirituelle et intime. Un sentiment traduit à l’écran par Mrs Roberts avec un appétit gourmand, ce dont elle ne disconvient pas, rayonnant à l’évocation de quelque souvenir gastronomique emprunté au tournage. Non sans insister, au-delà, sur l’empathie générale que lui inspirait l’expérience d’Elizabeth Gilbert: « C’est une femme confrontée à une crise soudaine et qui, dans la panique et la confusion qui s’ensuivent, traverse une gamme d’émotions complexes. Devoir les jouer est un exercice fascinant, de même qu’essayer d’exprimer ce par quoi elle passe à travers de petites scènes très courtes. Un bref moment doit suffire au public pour comprendre ce qu’elle vit, l’accumulation de ces moments rendant le rôle particulièrement intense. »

La double vie de Mrs Roberts

Liz Gilbert, Julia Roberts a attendu d’avoir une bonne partie du film derrière elle pour la rencontrer. « Je voulais la jouer selon mon instinct », raconte une actrice rompue à l’exercice délicat d’interpréter un personnage existant (ainsi, évidemment, d’Erin Brockovich, le rôle qui lui avait valu un Oscar en 2001, avec qui elle partage désormais des convictions écologiques affirmées bien haut).

« Jouer une personne réelle est un peu éprouvant pour les nerfs dans un premier temps. Mais on réalise rapidement que tant que l’on est juste et honnête, et que l’on aime ce que l’on fait, un tel personnage ne diffère pas fondamentalement de n’importe quel autre rôle. Tout réside dans un certain sens de la vérité, et du respect. » Lui parle-t-on alors de méthode, qu’elle répond: « J’imagine que c’en est une. Une méthode sans méthode, voilà de quoi il retourne… » Le naturel, on y revient. Et une façon aussi de rester fidèle à soi-même.

Désormais plus rare sur les écrans, vie de famille oblige, Julia Roberts s’en tient d’ailleurs toujours aux mêmes principes, immuables, avant de s’engager: « Ce qui dicte que je veuille faire un film reste le sentiment que j’éprouve à la première lecture du scénario. Je ne m’écarte en général jamais de cette impression initiale. Après, pour que cela puisse fonctionner d’un point de vue logistique, c’est une autre paire de manches: au-delà du scénario, et de la rencontre avec le réalisateur, interviennent ce que j’appelle les maths, à savoir quand on va tourner, combien de temps on va rester ici ou là, et comment cela va pouvoir s’agencer avec ma vie de famille… » Un casse-tête, à l’occasion, pour une comédienne qui entend continuer à mener sa double vie de mère et de star hollywoodienne. « En fait, séparer ces deux choses n’est pas si compliqué. J’ai la chance d’avoir travaillé suffisamment longtemps avant de fonder une famille pour pouvoir prendre des breaks et apprécier ce luxe, énorme, de passer beaucoup de temps à la maison avec les miens. »

Au fait, ses trois enfants ont-ils conscience de ce qu’elle représente aux yeux d’une bonne partie de la planète? « Non, pas vraiment. Mais star de cinéma, c’est un concept qui est enseigné, et dont la valeur ne correspond à rien. Si je devais leur dire ce que je fais, cela ne représenterait rien d’autre, à leurs yeux, que n’importe quel boulot. Mes aînés commencent timidement à comprendre de quoi il retourne… » Afin de ne pas brusquer les choses, elle s’est jusqu’à présent refusée à leur montrer un de ses films. Lequel, le cas échéant, pourrait être Charlotte’s Web, où elle prêtait sa voix à Charlotte l’Araignée, histoire de commencer en douceur. « Cela vaudrait mieux que de débuter par Closer… » Et de prendre congé, laissant planer, derrière elle, les échos de son rire, resplendissant…

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Eat, Pray, Love, de Ryan Murphy, avec Julia Roberts, Richard Jenkins, Javier Bardem. 2h20.

Adapté du best-seller d’Elizabeth Gilbert, Eat, Pray, Love suit les tribulations d’une Américaine qui, à l’approche de la quarantaine et au sortir d’un divorce délicat, décide de prendre une année off, histoire de se reconstruire. Et s’engage pour un périple à la recherche de soi et à la découverte du monde, qui l’emmènera successivement en Italie (Eat), en Inde (Pray) et à Bali (Love).

Devant la caméra de Ryan Murphy (Nip/Tuck), le voyage initiatique prend des contours plutôt prévisibles: si le volet romain de l’aventure est résolument appétissant, ses prolongations sous de plus exotiques latitudes font surtout l’effet, sous couvert de quête spirituelle, d’inutiles redites tapissées de clichés. Reste, toutefois, Julia Roberts, dont le charme, la fraîcheur et le naturel opèrent ici à plein. Ce qui n’est déjà pas si mal, on en conviendra…

J.F. PL.

Jean-François Pluijgers, à Rome

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