Deux garçons, une fille, et des Amours imaginaires

© DR

Xavier Dolan confirme les promesses de « J’ai tué ma mère », avec ses « Amours imaginaires », une comédie croisant les désirs de trois jeunes personnages avec lyrisme, ironie, humour et sensibilité.

Il n’a jamais que 21 ans, mais déjà deux longs métrages à son actif de jeune prodige du cinéma québécois. Xavier Dolan s’était révélé en mai 2009, au Festival de Cannes, avec son premier opus, le très original, grinçant et roboratif J’ai tué ma mère où il incarnait lui-même un adolescent qui déteste et méprise une mère qui ne le comprend pas plus qu’il ne la comprend lui-même. Le chemin d’une réconciliation s’y ouvrait bien, sur fond de révélation (comique) de l’homosexualité du héros. Mais c’est l’acidité du propos, et l’inventivité de la réalisation, qui marquaient dans ce film inaugural acclamé, distribué un peu partout dans le monde et promenant le nom de Dolan bien au-delà des cercles très actifs de la cinéphilie « gay ».

Bien sûr, ce succès précoce confrontait le tout jeune cinéaste au défi du deuxième film, et donc de la confirmation. Si la chose peut être vue comme une sorte d’examen, Xavier Dolan le passe avec grande distinction.

Triangle amoureux

Les Amours imaginaires revisitent de très personnelle manière le thème du triangle amoureux, figure géométrique obligée du cinéma depuis le film romantique jusqu’au porno en passant par le drame et la comédie. Jules et Jim de Truffaut restant sans doute l’oeuvre la plus marquante inspirée par ce sujet. Dolan se met en scène lui-même dans le personnage de Francis, ami de Marie (Monia Chokri) et attiré comme elle par un certain Nicolas (Niels Schneider) dont la gueule d’ange et l’assurance séduisante les captivent autant l’un que l’autre. Sans rien renier de leur amitié, Francis et Marie vont se mettre à tourner, tantôt ensemble et tantôt séparément, autour du beau Nicolas.

Lequel se rend-il vraiment compte du trouble qu’il propage? Et du commun désir, du commun sentiment, que le garçon et la fille éprouvent à son endroit? Les réponses offertes par le film ne seront pas inattendues, mais pas banales non plus. Xavier Dolan ayant l’art de surprendre en passant très vite du drôle au poignant, de la dimension ludique à la dimension dramatique.

Bien sûr le film n’est pas exempt de scories, de clins d’oeil parfois faciles, ni d’une certaine complaisance à se mettre soi-même en image. Erreurs de jeunesse, sans nul doute. Mais rien de cela ne menace le plaisir pris à suivre les trajectoires croisées des personnages des Amours imaginaires. Un film qui vaut par sa folle liberté de ton, sa grande justesse d’observation, les échappées d’un lyrisme à fleur de peau. Mais aussi par le recadrage d’un sentiment amoureux certes lié au désir sexuel mais dépassant aussi ce dernier dans une sorte de sublimation romantique.

La coexistence de cette dernière avec l’ironie mordante dont Dolan sait faire preuve contribue à maintenir l’indispensable tension sans laquelle une chronique essentiellement bâtie sur des sentiments ne saurait captiver le spectateur durant une bonne heure et demie. Xavier Dolan n’est pas une étoile filante, c’est sûr. S’il sait éviter le piège d’un certain maniérisme et au fur et à mesure élargir sa palette, la filmographie de ce jeune homme aussi talentueux que pressé devrait faire partie de celles qui comptent.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Les Amours imaginaires, de Xavier Dolan, avec Monia Chokri, Niels Schneider, Xavier Dolan. 1h35.

Louis Danvers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content