Des cadres dans le cadre, les tableaux dans l’histoire du cinéma

Laura (1944) Le portrait de Laura trône dans le salon de l'appartement dans lequel la jeune femme vient d'être assassinée. Le policier chargé de l'affaire va tomber amoureux du tableau, et à travers lui d'une défunte dont son enquête révèle les secrets... Laura a les traits de la merveilleuse Gene Tierney, dans un chef-d'oeuvre du film noir signé Otto Preminger. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Deuxième volet de la série sur les objets fétiches du 7e art: les tableaux. Qu’ils soient de Van Gogh, de Vermeer ou de Manet, ils ont souvent servi les desseins des cinéastes.

La peinture n’a jamais cessé d’inspirer le cinéma. Et de manières différentes. Pour des films biographiques consacrés à des peintres, d’abord. à l’exemple de Van Gogh qui aura suscité le meilleur du cinéma hollywoodien (Lust for Life de Vincente Minnelli, en 1956) et français (Van Gogh de Maurice Pialat, en 1992). Mais aussi comme influence esthétique directe, tel le même Van Gogh dont Kurosawa s’inspire à la lettre pour un épisode de son Dreams de 1990. Le film entrant, pour l’occasion, dans un tableau précis, Champ de blé aux corbeaux. Le plus intéressant n’en reste pas moins la situation inverse, celle où un tableau entre dans un film pour y jouer un rôle dramatique, par-delà toute considération de style, et ainsi devenir un élément à part entière du récit. Du délire fantastique The Picture of Dorian Gray (1945) d’Albert Lewin à la toile menaçante de fatum des Fantômes d’Ismaël (2017) d’Arnaud Desplechin, en passant par le « vermeerien » Girl with a Pearl Earring (2004) de Peter Webber, le thriller à l’escroquerie The Best Offer (2013) de Giuseppe Tornatore et l’imposture du Big Eyes (2015) de Tim Burton. Sans oublier bien sûr le parcours à énigmes de Da Vinci Code (Ron Howard, en 2005) et la fresque restaurée par Geneviève Bujold dans l’admirable et bouleversant Obsession (1976) de Brian De Palma.

Couleurs de film noir

S’il est un genre fertile à l’intégration de tableaux dans sa dramaturgie, c’est évidemment le film noir. Le sublime Laura (1944) d’Otto Preminger venant immédiatement à l’esprit, avec son enquêteur tellement fasciné par un portrait qu’il tombe amoureux de celle qui y est représentée et est présumée morte, assassinée… Mais il faut aussi souligner le vénéneux Scarlet Street (1945) de Fritz Lang, où un peintre amateur (Edward G. Robinson) s’éprend passionnément d’une femme manipulatrice (Joan Bennett) dont l’amant revend en douce et à son profit les portraits qu’il fait d’elle. Et bien sûr The Woman in the Window, réalisé l’année précédente par le même Lang, avec le même duo d’interprètes. Cette fois, l’homme est professeur de psychologie et tombe amoureux d’une femme dont il voit le portrait dans une vitrine. Avec à la clé un meurtre et une chasse à l’homme… Comment ne pas évoquer aussi The Locket (1946) de John Brahm, dans lequel Robert Mitchum joue un peintre faisant de sa bien-aimée (Laraine Day) un portrait mystérieux, captant inconsciemment la complexité d’une kleptomane affabulatrice. Ou The Dark Corner (1946 aussi) de Henry Hathaway, où un marchand d’art épouse une femme pour sa ressemblance avec le modèle de son tableau préféré… Chacun de ces films reprenant le thème de la femme fatale si cher au genre noir et dont le chef-d’oeuvre d’Alfred Hitchcock Vertigo (1956) portera un peu plus tard la trace, avec son portrait de Carlotta au chignon copié par Kim Novak, dans lequel plonge comme dans un abîme notre regard aussi fasciné que celui de James Stewart.

Da Vinci Code (2006)

Au musée du Louvre, les touristes se voient proposer une visite guidée comprenant dix oeuvres mises en vedette par Dan Brown dans son roman, et ensuite par son adaptation hollywoodienne. figure parmi ces tableaux évidemment riches en secrets. À charge pour Tom Hanks de les décoder…

Des cadres dans le cadre, les tableaux dans l'histoire du cinéma

Frantz (2016)

François Ozon fait jouer un rôle important au de Manet dans son drame intime sur fond d’immédiat après-guerre (celle de 1914-1918). Le passage du noir et blanc à la couleur, centre du dispositif esthétique du film, révélant la tache de sang sur la chemise du personnage affaissé sur un lit…

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La Belle Noiseuse (1991)

Édouard Frenhofer (Michel Piccoli), peintre célèbre, a laissé inachevé un tableau pour lequel posait son épouse disparue. Dix ans plus tard, une jeune femme (Emmanuelle Béart) lui donne le désir de reprendre son oeuvre… Librement inspiré par Balzac, Jacques Rivette est au sommet de son art.

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El sol del membrillo (1992)

Sans doute un des meilleurs films jamais consacrés à la création artistique, ce petit chef-d’oeuvre espagnol de Victor Erice voit le peintre Antonio López passer plusieurs semaines à peindre un cognassier planté dans son jardin. La lumière et la météo changent au fil des jours, rendant le travail d’autant plus précieux qu’il s’échappe comme s’échappe le temps…

Des cadres dans le cadre, les tableaux dans l'histoire du cinéma

The Picture of Dorian Gray (1945)

Adapté avec style par Albert Lewin, le drame fantastique d’Oscar Wilde tourne avec inspiration autour d’un portrait masquant le vieillissement et les turpitudes d’un aristocrate séduisant (Hurd Hatfield). Lequel se croit -à tort- assuré de l’éternelle jeunesse…

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Vertigo (1958)

Entre thriller et amour fou, Hitchcock suit un ex-flic épris d’une… morte. Un portrait, celui d’une certaine Carlotta Valdes, tient un rôle majeur dans ce qui est peut-être le plus beau film jamais réalisé. Face à James Stewart, Kim Novak revient de l’au-delà dans un halo sublime.

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