Critique

Critique ciné: The Cut, les bonnes intentions ne font pas toujours les grands films

Tahar Rahim dans The Cut de Fatih Akin © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME HISTORIQUE | Fatih Akin ponctue sa trilogie par une fresque sur le génocide arménien. La démonstration que les bonnes intentions ne font pas toujours les grands films.

Découvert à la Mostra de Venise l’été dernier, The Cut (La blessure), le nouvel opus de Fatih Akin, y avait suscité une déception à la mesure de l’attente, le réalisateur s’empêtrant à l’évidence dans un sujet trop vaste pour lui, à l’instar, quelques mois plus tôt, de Michel Hazanavicius dans The Search. Imposante fresque historique, le film constitue le troisième volet d’une trilogie sur l’Amour, la Mort et le Diable entamée avec Gegen die Wand en 2004, pour se poursuivre trois ans plus tard avec Auf der anderen Seite. Entendant cette fois s’interroger sur les blessures que l’on peut infliger aux autres, de façon délibérée ou non, et sur la frontière fragile séparant le bien du mal, le cinéaste allemand d’origine turque s’empare d’un sujet brûlant, au coeur de l’actualité: le génocide arménien. Et remonte à cet effet le temps pour l’arrêter en 1915 à Mardin, au coeur de l’empire ottoman.

C’est là que l’on découvre Nazaret Manoogian (Tahar Rahim), un ferronnier menant une vie de famille heureuse avec sa femme et ses deux filles, jusqu’au jour où, comme les autres Arméniens de la ville, il est emmené par la police turque. Le début d’un long calvaire, l’histoire à suivre s’écrivant dans le sang du génocide; une horreur à laquelle Nazaret va survivre miraculeusement. Et de partir ensuite, mu par l’amour et l’énergie du désespoir, à la recherche de ses enfants, dont il a appris qu’ils étaient encore en vie, pour un périple peuplé d’anges et de démons qui le conduira de la Mésopotamie au Dakota.

Un interminable chemin de croix

Fatih Akin explique, dans le dossier de presse du film, avoir été choisi par le thème du génocide arménien plus qu’il ne l’a lui-même choisi. « Mes parents sont turcs et donc ce sujet m’interpelle, en particulier parce qu’il est tabou », relève-t-il, ajoutant avoir souhaité « aborder la peur de faire face à notre propre histoire. » Mais si la pertinence de ses intentions n’est guère discutable, c’est peu dire que l’on a déjà connu le réalisateur mieux inspiré. Passe encore pour l’improbable bric-à-brac linguistique présidant à The Cut, voulant notamment que Tahar Rahim (pour une fois plutôt à côté de ses pompes) s’exprime ici en… anglais. Plus gênant, le cinéaste ne réussit jamais à trouver le ton juste, qu’il s’agisse de son évocation du génocide ou de l’odyssée en forme d’interminable chemin de croix à suivre, l’entreprise apparaissant à ce point plombée que son film échoue aux niveaux épique comme métaphorique. On y verra la démonstration par l’absurde que Fatih Akin n’est jamais aussi à l’aise que lorsqu’il s’attèle à des projets plus modestes en apparence, mais pas moins pénétrants pour autant, que l’on se rappelle Gegen die Wand ou, plus près de nous, Soul Kitchen.

DE FATIH AKIN. AVEC TAHAR RAHIM, SIMON ABKARIAN, ABSINÉE KHANJIAN. 2H18. SORTIE: 03/06.

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