Critique

[Critique ciné] Sully, héros d’un jour

Tom Hanks et Aaron Eckhart dans Sully de Clint Eastwood. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

FILM BIOGRAPHIQUE | Clint Eastwood et Tom Hanks questionnent l’héroïsme au quotidien dans un film admirable sur le pilote du vol 1549.

Personne n’a oublié les images incroyables de l’Airbus A320, flottant sur le fleuve Hudson, à New York, le 15 janvier 2009. Le vol 1549 de US Airways avait décollé quelques minutes plus tôt de l’aéroport international de LaGuardia, direction Charlotte puis Seattle. Il n’arriverait jamais à destination. Un vol d’oiseaux (des oies bernaches du Canada) s’était engouffré dans les réacteurs, mettant les deux moteurs en panne. Aux commandes, le commandant Chesley Sullenberger et son copilote Jeffrey Skyles n’ont eu que très peu de temps pour sauver l’appareil et ses passagers. Renonçant à faire demi-tour pour LaGuardia ou de tenter de rejoindre l’aéroport de Teterboro, celui qu’on appelle familièrement Sully a décidé de poser son avion dans l’eau de l’Hudson River, au pied des gratte-ciels de Manhattan sur lesquels, sinon, il a la conviction que l’appareil se serait écrasé. La manoeuvre, aussi folle en apparence que logique, au vu des circonstances, allait réussir. Les 150 passagers et les 5 membres d’équipage seraient sains et saufs. Et le commandant de bord illico bombardé American Hero. Sauf que…

Humain, trop humain

[Critique ciné] Sully, héros d'un jour

Le film de Clint Eastwood commence après l’angoisse, après l’avènement médiatique. Très vite, tandis que la carlingue s’enfonce dans l’eau glacée, le « business as usual » reprend ses droits. Les autorités aériennes, la compagnie, les assurances, veulent savoir si la perte de l’avion aurait pu être évitée.

Sully (formidable Tom Hanks) et son copilote (Aaron Eckhart, impeccable) font l’objet d’interrogatoires serrés, agressifs même. Le soupçon règne, une commission d’enquête est réunie à la hâte, et chez Airbus en France s’organisent des simulations visant à démontrer qu’une autre solution existait, qui pouvait sauver l’appareil en le posant sur le tarmac, pas sur l’Hudson. Et l’accusation de faute grave apparaît vite en filigrane…

Comme dans Flags of Our Fathers, Eastwood examine le décalage entre l’acte et ses résonances, le fait d’armes héroïque et son traitement, son utilisation. On repense aussi à un film de Philip Kaufman où Clint aurait pu jouer, The Right Stuff, qui opposait à la raison technologique l’intuition, la créativité humaine dans l’urgence du pilotage. Structuré brillamment en puzzle temporel resserrant la chronologie autour de l’essentiel, Sully est à l’image de son personnage central: plein de confiance en ses moyens et pourtant très humble. Il s’inscrit parmi les plus belles réussites d’un cinéaste de 86 ans, sur lequel l’âge et les modes ne semblent avoir aucune prise. Et qui nous offre aujourd’hui un nouveau classique américain, plus senti, plus intelligent, plus maîtrisé que l’immense majorité de la production actuelle. Avec au passage une flèche lancée au tout technologique qu’on nous promet avec insistance, et qui aura ses failles. Béantes. Mais tant qu’il y aura des hommes (ou des femmes bien sûr)…

DE CLINT EASTWOOD. AVEC TOM HANKS, AARON ECKHART, LAURA LINNEY. 1H36. SORTIE: 30/11. ****

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