[Critique ciné] Poesia sin fin, jodorowskyssimo

© SDP
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

BIOPIC | Sa propre jeunesse, ses élans, ses révoltes, inspirent au poète et cinéaste franco-chilien un ovni lumineux.

Alejandro Jodorowsky n’a jamais fait les choses comme tout le monde. Et ce n’est pas à 87 ans (88 le 17 février) qu’il va se ranger à la raison commune. Le compagnon de route de Topor et Arrabal -au sein du groupe Panique- a le syncrétisme tenace autant que puissant. Sa vision du monde, exprimée dans ses romans, ses essais, son théâtre, ses bandes dessinées, ses poèmes et ses films, restera toujours révolutionnaire au sens le plus profond, celui des surréalistes, celui qui implique l’inconscient comme force de bouleversement. Au crépuscule de sa vie, le réalisateur de El Topo, de La Montagne sacrée et de Santa Sangre revient sur sa jeunesse dans le joliment titré Poesia sin fin. Un film autobiographique exemplaire de liberté, de réinvention, de sensualité fervente et de révolte contre l’ordre, qu’il soit familial, moral, social, politique ou militaire. Tout comme La Danza de la realidad (2013), qui évoquait son enfance à Tocopilla, Poesia sin fin a été en partie financé via une opération de crowdfunding sur Internet. Il commence au moment où Alejandro et sa famille s’embarquent pour Santiago. Son père le voit bien devenir médecin. Mais lui se rêve en poète. Ce ne sera pas leur seul différend…

L’élan et l’envol

[Critique ciné] Poesia sin fin, jodorowskyssimo

Les rôles d’Alejandro et de son père sont joués par… les deux fils du cinéaste. Adan, le cadet, interprète Alejandro jeune. Et Brontis, l’aîné (17 ans les séparent), campe le paternel autoritaire. De quoi plus encore transformer en affaire de famille une oeuvre adossant l’intime à l’histoire d’un Chili au destin politique troublé, comme celui de la plupart des pays d’Amérique latine en cette période d’après-Seconde Guerre mondiale. Jodorowsky partira pour Paris en 1953, y travaillera avec le mime Marceau et s’y liera (pour quelques années) avec les surréalistes. Dans Poesia sin fin, le jeune homme encore au pays libère ses aspirations artistiques… et amoureuses, à la marge d’une société où le geste poétique se cherche un absolu dans le rejet de la morale dominante et où évoluent des créatures étranges, lumineuses, désirables jusque dans leurs singularités les plus repoussantes au commun (bourgeois) des mortels. Se succèdent à l’écran scènes vécues et fantasmées, tout à la fois sensuellement incarnées et stylisées avec ce baroquisme onirique dont aime se parer « Jodo ». Cette recherche du temps perdu offre des moments de pure magie, de drôlerie galopante et d’érotisme oblique. Il en propose quelques autres un peu trop répétitifs, complaisants même parfois. Mais l’ensemble tient la route d’un art vécu comme prolongement de soi face au monde. Un art que le poète-cinéaste porte encore à incandescence dans quelques séquences au charme et à la vitalité très communicatifs. Et quand Jodorowsky entre dans l’image pour une étreinte de réconciliation posthume avec le père honni, difficile de ne pas être ému.

D’Alejandro Jodorowsky. Avec Adan Jodorowsky, Pamela Flores, Brontis Jodorowsky. 2 h 08. Sortie: 04/01.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content