Critique

[Critique ciné] Laissez bronzer les cadavres, ravageur!

© DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

POLAR | Entre polar et western, coups de feu et art pop, le duo Cattet-Forzani s’aère en Corse. Soleil de plomb…

L’art est parfois au bout du fusil. La célèbre peintre et plasticienne Niki de Saint Phalle l’avait prouvé dans les années 60, en composant des toiles à coups de feu, crevant de petits ballons remplis d’encre ou de peinture et disposés devant une toile. L’artiste jouée par Elina Löwensohn dans Laissez bronzer les cadavres s’adonne elle aussi à ce qu’un critique baptisa en son temps « la peinture au 6.35« . Elle le fait sous un soleil de plomb, face à la Méditerranée, là où le bleu du ciel rejoint celui de la mer derrière un village corse abandonné, où elle s’est installée. Les lieux sont festifs, théâtre de happenings orgiaques. Ils font aussi une bonne planque potentielle aux yeux d’une bande de malfrats voleurs d’or, qui s’y voient déjà tranquilles sans penser que d’autres « invités », certains faisant partie de la police, pourraient eux aussi débarquer… D’un roman signé (pour la Série noireen 1971) par Jean-Patrick Manchette et Jean-Pierre Bastid, le tandem Hélène Cattet-Bruno Forzani dégage le matériau puissant, fécond, d’un troisième long métrage singulièrement allumé. Les réalisateurs des sensuels et très fascinants Amer et L’Étrange Couleur des larmes de ton corps élargissent au grand jour et en pleine nature sauvage leur art du huis clos sulfureux, assassin. Le plaisir est au rendez-vous!

[Critique ciné] Laissez bronzer les cadavres, ravageur!

Dynamite

Sans renoncer pour autant à prolonger plus tard leur exploration érotique-onirique des cruels délires du giallo (1), le très doué duo est parti s’aérer du côté du polar choral, des paysages corses et… du western. Il ne le fait pas dans la facilité d’un pastiche mais bien avec ce talent fou qu’il a pour investir des formes précisément référentielles (naguère par exemple celles du Dario Argento de Profondo Rosso) d’un souffle personnel, isolé de -presque- toute nostalgie. Et cela en remontant toujours à la source vive des images revisitées, une source toujours chargée de pouvoir transgressif. Transgression fétichiste d’un polar à l’italienne portant à incandescence les noces du crime et du sexe. Et désormais transgression d’une série noire ancrée dans la conscience sociale et d’un western italien (encore!) dynamitant -via Sam Peckinpah- les codes héroïques du genre américain le plus populaire et -souvent- le plus édifiant.

Forzani et Cattet ont bien sûr embarqué leurs fidèles, avec en tête un Manu Dacosse dont la complicité derrière la caméra leur offre une palette de couleurs intenses, travaillées non pas en mode digital mais bien sur pellicule. Et quand l’action, nourrie de nombreux rebondissements, dérape vers des visions stupéfiantes, hallucinées, l’écran vibre de sensations uniques, rebelles, explosant d’une créativité filant vers l’abstraction sans lâcher pour autant le concret d’un spectacle organique en diable. Le trip et les tripes, pour le prix d’un seul ticket de cinéma!

(1) Voir notre entretien à paraître la semaine prochaine.

De Hélène Cattet et Bruno Forzani. Avec Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara, Bernie Bonvoisin. 1h30. Sortie: 10/01. ****

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content