Critique

Critique ciné: La Nuit qu’on suppose

La Nuit qu'on suppose © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DOCUMENTAIRE | En documentaire comme en fiction, filmer la cécité interroge le regard. Y compris le nôtre.

Brigitte, Danielle, Hedwige, Bertrand et Saïd sont tous impliqués dans des activités créatives, artistiques. Leur cécité ne les en empêche pas, ayant développé avec leur environnement des rapports sensoriels qui s’expriment avec éloquence devant la caméra de Benjamin d’Aoust. Premier documentaire d’un jeune réalisateur belge connu pour ses courts métrages Mur et Point de fuite, La Nuit qu’on suppose dépasse le handicap comme le font ses protagonistes, individualisant les choses tout en osant la question globale de la cécité dans les rapports au monde, un peu comme Nicolas Philibert put le faire avec les sourds et la surdité dans un autre très intéressant documentaire: Le Pays des sourds.

De tous les sens, la vue est évidemment celui dont l’absence paraît la plus antinomique au cinéma. D’assez nombreuses fictions n’en ont pas moins été réalisées autour de personnages aveugles ou mal voyants. Qui pourrait oublier le personnage de la jeune fleuriste de City Lights de Chaplin? Ou le jouisseur incarné par Vittorio Gassman dans Profumo di donna de Dino Risi, qui devine les belles femmes à leur seule odeur? Ou encore les tourments de l’héroïne condamnée à devenir aveugle du Dancer In The Dark de Lars von Trier? Sans oublier les terreurs d’une Audrey Hepburn aveugle et menacée dans le thriller de Terence Young Wait Until Dark. Ni les combats stupéfiants livrés par Zatoïchi, le samouraï privé de la vue?

Mais les deux expériences les plus marquantes sont, dans des registres différents, relatives à une cécité aggravée de mutisme et de surdité. Cette exclusion sensorielle majeure autant que terrifiante, Arthur Penn l’a filmée sous l’angle de l’émotion dans The Miracle Worker, et Werner Herzog avec une force expressive hallucinante dans son documentaire Au pays du silence et de l’obscurité. Une expérience limite, tant sur le plan humain que cinématographique!

  • LA NUIT QU’ON SUPPOSE. DOCUMENTAIRE DE BENJAMIN D’AOUST. 1H13. SORTIE: 15/01.

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