Critique

[Critique ciné] Jodorowsky’s Dune, un rêve de cinéma

Jodorowsky's Dune © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

En 1974, Alejandro Jodorowsky se lançait dans l’adaptation du roman Dune. Une aventure incroyable retracée par un formidable documentaire.

En 1974, Alejandro Jodorowsky, réalisateur culte d’El Topo et Holy Mountain, se lance, à l’invitation de Michel Seydoux, dans l’adaptation de Dune, roman-phare de la science-fiction écrit une dizaine d’années plus tôt par Frank Herbert. Le réalisateur chilien n’entend pas seulement tourner un film, il ambitionne de changer la face du cinéma et, pourquoi pas, du monde. Et de se mettre en quête des « guerriers spirituels » qui l’accompagneront dans cette aventure, Moebius au story-board, Dan O’Bannon au scénario ou H.R. Giger comme directeur artistique, sans oublier Mick Jagger, Salvador Dalí ou Orson Welles, pressentis pour être les acteurs de cette épopée. Hollywood refusant de s’engager à hauteur de cinq millions de dollars, le projet avortera cependant, le Dune de Jodorowsky devenant « le plus grand film qui n’ait jamais été tourné », un jalon essentiel du cinéma de science-fiction dont il aurait fort bien pu réécrire l’histoire, trois ans avant Star Wars.

Une ode à la création

Cette équipée incroyable, Frank Pavich la retrace dans un épatant documentaire. « L’histoire de ce film est irrésistible: une fois qu’on la connaît un peu, on veut en savoir plus », nous confiait-il, et il y a là, en effet, tous les ingrédients d’une épopée « bigger than life », que l’on découvre avec les mots et la ferveur intacte de Jodorowsky, longuement interviewé pour la circonstance. C’est peu dire que l’artiste se révèle un conteur hors pair, porté par un enthousiasme aussi débridé que contagieux. L’entendre aligner les anecdotes plus ahurissantes les unes que les autres est un pur régal. Ainsi lorsqu’il se rend au studio Abbey Road, à Londres, pour proposer à Pink Floyd d’écrire la musique du film et que, découvrant les musiciens se gavant de hamburgers, il explose: « Je vous offre le film le plus important de l’histoire de l’humanité, et vous mangez des Big Mac? Je ne veux plus vous voir… ». Ou quand il tente de vendre à des dirigeants de studios hollywoodiens interloqués un film de « douze, non, vingt heures… », avec le résultat que l’on sait -l’on en passe et des meilleures.

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Pour autant, Jodorowsky’s Dune n’est pas que le récit savoureux d’une équipée artistique improbable. Et le film va d’ailleurs au-delà de la reconstitution appliquée, même s’il veille aussi à donner forme aux visions de Jodo (et aux dessins de Moebius notamment) le temps de quelques formidables séquences animées par Syd Garon. S’immisçant au coeur du processus artistique, le document de Frank Pavich réussit aussi à cerner quelque chose comme l’âme d’un auteur à la passion dopée par une stupéfiante énergie créative, et mû par une exceptionnelle capacité à se réinventer. Si Jodorowsky voulait, avec cette entreprise un peu folle, « ouvrir les esprits » et les limites de la perception, Jodorowsky’s Dune se révèle pour sa part singulièrement inspirant, un film-rêve se transformant sous nos yeux en rêve de cinéma. À voir absolument.

DE FRANK PAVICH. AVEC ALEJANDRO JODOROWSKY, H.R. GIGER,… 1H30. SORTIE: 29/06.

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