Critique

Critique ciné: Jersey Boys, quand Clint Eastwood adapte Broadway

Jersey Boys © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

BIOGRAPHIE MUSICALE | Adaptant le musical éponyme, Clint Eastwood retrace l’histoire mouvementée d’un groupe doo wop qui marqua le rock’n’roll des sixties de son empreinte.

L’amour de Clint Eastwood pour la musique n’est plus à rappeler, dont témoignent les Honkytonk Man ou autre Bird, au même titre que les partitions qu’il a composées pour une demi-douzaine de ses films. On n’attendait pas pour autant le réalisateur de Mystic River sur le terrain du musical, genre qu’il approche aujourd’hui avec Jersey Boys. Adaptation du spectacle créé à Broadway par Des McAnuff d’après le livret de Marshall Brickman et Rick Elice, le film retrace le parcours de Frankie Valli & The Four Seasons, groupe doo wop qui devait marquer l’Histoire du rock’n’roll dans les sixties. Une histoire (vraie) prise ici à ses balbutiements, en 1951, sur les pas de Tommy DeVito et Frankie Castelluccio, deux adolescents de condition modeste originaires de Belleville, New Jersey, à qui l’avenir offre pour alternatives l’armée, la mafia ou… la célébrité. La voix d’ange du second, rebaptisé Valli, va se charger de décanter quelque peu l’horizon, leur rencontre avec Bob Gaudio, compositeur hors-pair, devant les propulser vers les sommets -à compter de Sherry, et sous le nom de The Four Seasons (Nick Massi complétant le quatuor), leur carrière se décline en une longue succession de hits; pas besoin, pour autant, de lire dans le marc de café pour deviner que l’euphorie ne durera qu’un temps.

Tout reste à écrire

Empruntant aux conventions du musical (avec, notamment, de multiples adresses des protagonistes aux spectateurs et une artificialité assumée jusque dans la patine « vintage » du film, mais encore la virevoltante chorégraphie finale), Jersey Boys s’inscrit aussi dans la continuité de l’oeuvre de Eastwood. Et cela, pas seulement parce que la fibre mélomane du cinéaste trouve ici une nouvelle expression « vibrante » -la magie des sessions d’enregistrement évoque celle de Inside Llewyn Davis, le cinéaste trouvant dans leur dépouillement même un matériau à sa sobre et limpide mesure.

Outre sa richesse intrinsèque, l’histoire mouvementée des Four Seasons permet aussi au réalisateur de poursuivre l’exploration de thèmes familiers. Ainsi de sa méditation sur le temps qui constitue le creuset de sa filmographie récente, à laquelle il donne ici un prolongement inspiré. Si, pour l’un des membres du groupe, « chacun a les souvenirs qui l’arrangent », impossible de ne pas voir dans la réflexion de Valli, affirmant chérir particulièrement ce moment où, ayant trouvé leur « son », tout leur restait pourtant à écrire, l’écho des images de Rawhide, la série ayant révélé Eastwood,entrevues furtivement dans une scène du film. En plus de surfer allègrement sur tout un pan de l’Histoire de la pop, Jersey Boys y gagne une dimension proprement émouvante, à même de gommer quelques lourdeurs mélodramatiques. Un brin surannée jusque dans son classicisme même, cette biographie musicale n’en trouve pas moins la note juste…

  • De Clint Eastwood. Avec John Lloyd Young, Erich Bergen, Christopher Walken. 2h14. Sortie: 18/06.
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