Critique

[Critique ciné] I, Tonya: la lutte des glaces

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

BIOPIC | Au-delà d’une rivalité sportive poussée à l’extrême, un film gonflé, exposant deux Amériques irréconciliables.

Au début des années 90, il ne manque pas grand-chose à Tonya Harding pour atteindre le top mondial en patinage artistique. Une de ses principales concurrentes est comme elle américaine. Elle s’appelle Nancy Kerrigan. À l’approche des Jeux Olympiques de 1994, l’atmosphère entre les deux sportives n’est pas vraiment au beau fixe. Quand, à la sortie d’un entraînement, Kerrigan subit une brutale agression qui la laisse gisant au sol, hurlant, le genou en compote, les soupçons se portent vite sur l’entourage de Harding. L’affaire qui s’ensuivra passionnera l’Amérique et le monde bien au-delà du milieu sportif. Et elle laissera des traces…

I, Tonya s’inscrit dans une petite et très intéressante série récente de films évoquant des rivalités de champions en Formule 1 (Rush en 2013, sur Niki Lauda et James Hunt), aux échecs (Pawn Sacrifice en 2014, sur Bobby Fischer et Boris Spassky) et au tennis (Borg vs McEnroe en 2017, sur Björn Borg et John McEnroe). Comme les autres, il s’appuie sur une compétition aux enjeux aiguisant les passions et sur la confrontation de caractères spectaculairement opposés. Mais le film de Craig Gillespie pousse les choses un peu plus loin, traçant le portrait d’une société à travers celui d’une sportive résolument atypique et qui a très vite senti qu’elle n’aurait pas la place que ses performances méritaient. Car Tonya Harding ne satisfaisait pas l’image d’élégance et de raffinement privilégiée par le milieu du patinage artistique. Issue d’une famille de petits Blancs pauvre et chaotique, mal éduquée, mal fagotée, avec un vocabulaire de la rue, elle était une « white trash » sur lames, une anomalie sur la glace. Et on le lui fit bien sentir…

[Critique ciné] I, Tonya: la lutte des glaces

Performance

Tonya virevolte, ose le triple axel et est la première femme à le réussir. Mais on la pénalise sur sa cote artistique. On lui refuse la victoire qu’elle mérite et elle lance au jury un « Sucez ma bite! » bien sonore avant de quitter la patinoire et se remettre au travail… Margot Robbie mord dans ce rôle avec un talent et une énergie superbes. L’actrice est également coproductrice d’un film qu’elle a porté, consciente de l’opportunité rare qu’il offrait de signer la performance d’une vie. L’Australienne révélée par Scorsese dans The Wolf of Wall Street (elle y joue la seconde épouse de Leonardo DiCaprio) est extraordinaire dans un personnage dont elle épouse toutes les facettes avec une folle présence et un rythme (verbal, corporel) d’une singulière justesse. Face à une Allison Janney stupéfiante en marâtre poussant sa fille à la performance avec une violence inouïe, et à un Sebastian Stan très crédible en mari à la fois loser et abusif, Robbie crève littéralement l’écran. Ajoutez quelques figures d’imbéciles malfaisants comme droit sortis de Fargo et vous obtenez un film passionnant, troublant et socialement éclairant, mis en scène avec tenue par un réalisateur (australien) n’ayant pas froid aux yeux.

De Craig Gillespie. Avec Margot Robbie, Allison Janney, Sebastian Stan. 2h00. Sortie: 21/02. ****

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