Critique

[Critique ciné] Capharnaüm, portrait d’une enfance maltraitée

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Prix du jury lors du dernier festival de Cannes, le troisième long métrage de la cinéaste libanaise Nadine Labaki transmet un cri de révolte assourdissant.

Il y a, au départ de Capharnaüm, le troisième long métrage de la cinéaste libanaise Nadine Labaki, cette phrase terrible énoncée par un gosse de douze ans devant un tribunal de Beyrouth: « Je veux porter plainte contre mes parents pour m’avoir mis au monde« . Le gamin s’appelle Zain, le film va entreprendre dans la foulée de retracer son histoire, celle d’un enfant des rues ayant grandi dans la précarité la plus complète, exploité, comme ses frères et soeurs, par des parents démunis au point de n’avoir pu les déclarer. Et désertant bientôt le « foyer » familial, tout à sa rage que sa jeune soeur, Sahar, ait été vendue à un adulte. Le début d’un périple éprouvant, errance d’un déshérité parmi tant d’autres, égarés à l’unisson dans l’envers du décor de nos vies. Ainsi de Rahil, une réfugiée éthiopienne en situation illégale, qui va accueillir l’enfant dans la misère d’un bidonville où elle tente de survivre avec Jonas, son nourrisson, en quelque communauté d’infortune improvisée…

Avec ce film, c’est à un portrait de l’enfance maltraitée et, partant, du désordre du monde que s’attèle Nadine Labaki. Soucieuse de faire sens, la réalisatrice a parfois tendance à charger la barque à l’excès, Capharnaüm semblant par ailleurs s’éparpiller quelque peu entre ses différents enjeux, de la dénonciation d’un système légal absurde, condamnant ces enfants à être invisibles aux yeux de la société, à l’immigration clandestine, et l’on en passe, crise des réfugiés et autres… Une réalité crue dont le film tente de prendre la mesure, la rage chevillée à la caméra, s’insinuant, comme à l’arrache, dans un quotidien pavé de désespoir. Qu’il plane sur l’affaire un soupçon de misérabilisme est indéniable, sentiment dissipé toutefois par l’énergie viscérale émanant de l’ensemble, mais aussi par l’élan vital animant Zain (le formidable Zain Al Rafeea, un comédien non-professionnel comme l’ensemble de la distribution), dont la présence et le regard n’en finissent pas de hanter le spectateur. Un film-choc pour un cri de révolte assourdissant, Prix du jury lors du dernier festival de Cannes.

De Nadine Labaki. Avec Zain Al Rafeea, Yordanos Shiferaw, Boluwatife Treasure Bankole. 2h03. Sortie: 28/11. ***(*)

>> Lire également notre interview de Nadine Labaki.

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