Critique

[Critique ciné] Après la guerre (Dopo la guerra): la terreur et après

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DRAME | La mémoire des « années de plomb » en Italie revient hanter un film alliant le politique, le moral et l’intime.

La « Doctrine Mitterrand » a été appliquée du milieu des années 80 au début des années 2000. Elle était née d’un engagement verbal du Président socialiste français à ne pas extrader vers leur pays natal les activistes et terroristes d’extrême gauche italiens réfugiés en France et ayant déclaré renoncer à la violence. Pomme de discorde entre deux pays amis, cette impunité offerte en France à des militants lourdement condamnés ou encore recherchés en Italie a suscité un ardent débat. Le successeur à l’Élysée de François Mitterrand, Jacques Chirac, allait y renoncer lors de son second mandat, ouvrant la voie par exemple, en 2002, à l’extradition de Paolo Persichetti, ancien membre des Brigades rouges condamné pour meurtre…

Tel est le contexte d’ Après la guerre, chronique familiale aux résonances politiques interrogeant les « années de plomb » (1969-1988) et leurs séquelles. Le film commence par l’assassinat d’un juge, également enseignant à l’université de Bologne, dans un contexte de révolte estudiantine face à la « loi travail » en 2002. Vivant en France depuis une vingtaine d’années, Marco est pointé du doigt par le gouvernement italien qui le soupçonne d’avoir commandité le crime. Son extradition est demandée, au grand désarroi de sa fille de seize ans, qu’il a eue en France et qui l’accompagnera bientôt dans sa fuite…

[Critique ciné] Après la guerre (Dopo la guerra): la terreur et après

Vieilles blessures

Annarita Zambrano veut conjuguer dans Après la guerre dimensions politique, historique et intime. Les milliers d’attentats, les centaines de morts qu’ils causèrent, ont marqué chaque famille ou presque, opposant les uns aux autres sur le plan idéologique mais aussi et surtout moral. Un dernier point qui est particulièrement développé dans un film où la famille du fugitif restée en Italie voit se rouvrir de vieilles blessures, qui sont aussi celles de la société. Giuseppe Battiston (Ce que je veux de plus) et la jeune Charlotte Cétaire (dont c’est le deuxième film après Le Pays qui n’existe pas) portent bien l’urgence et la complexité de la situation. Les autres comédiens témoignent de la riche profondeur du cinéma italien. Après la guerre ne brille pas spécialement par ses qualités formelles, Annarita Zambrano, dont c’est le premier long métrage, s’attachant surtout aux personnages, au travail avec les comédiens, à l’articulation d’un récit qui pourrait mal embrasser à force de vouloir trop étreindre. La réalisatrice tient son cap narratif avec une belle énergie et une sensibilité ne virant heureusement jamais au pathos. Miroir douloureux tendu à une Italie aujourd’hui en plein doute existentiel (voir les élections du 4 mars), le film offre abondamment matière à réflexion, et ce bien au-delà du cadre franco-italien. Ses quelques défauts n’empêchent pas l’oeuvre d’être forte. Très forte.

D’Annarita Zambrano. Avec Giuseppe Battiston, Charlotte Cétaire, Barbora Bobulova. 1h32. Sortie: 21/03. ***(*)

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