Clint Eastwood, rencontre avec une légende

Il est l’un des acteurs les plus adulés du grand Hollywood et garde, à 80 ans, une aura intacte d’icône du cinéma. Il est également un réalisateur très respecté qui se lance dans le drame fantastique avec Au-delà. Voici le récit de notre rencontre avec une légende.

« Dans mes premiers films, je passais mon temps à tuer des gens! Pour une fois, je m’intéresse à ceux qui tentent de survivre… » Il aura suffi d’une phrase en forme de clin d’oeil pour détendre l’atmosphère. Car rencontrer Clint Eastwood, c’est rencontrer une légende vivante, si vivante qu’elle s’approche de vous, la démarche un peu fatiguée mais le sourire aux lèvres. Clint Eastwood est un homme simple, gentil. Mais surtout, un as de la réplique, avec ce sourire en coin du vieux cow-boy à qui on ne la fait pas. Surtout quand le cow-boy s’est attaché, pour son nouveau film, à dépeindre trois personnages aux prises avec le deuil et la notion d’au-delà. « Cette notion ne m’a jamais vraiment intéressé, explique-t-il. En revanche, j’ai été captivé par le scénario de Peter Morgan. Il n’est pas courant qu’un auteur arrive à évoquer deux événements si différents que sont le tsunami en Asie et les attentats terroristes de Londres pour en faire quelque chose de totalement inattendu. J’ai aimé sa façon d’utiliser ces drames pour illustrer une histoire à cent lieues du terrorisme ou des catastrophes naturelles. » Moi qui pensais que les thèmes du deuil et de la vie après la mort l’avaient passionné… « Je suis d’accord avec vous, moi aussi je suis passionné par ces fameuses interrogations, ces « et si? » qui pourraient tout changer. Mais je ne vais pas vous dire que je crois à l’au-delà! La vie après la mort est un concept qui doit avant tout nous faire profiter de la vie. Après, s’il se passe quelque chose, c’est juste un bonus! » Il confirmera d’ailleurs, quelques minutes plus tard, sa position sur le sujet: « Au-delà ne parle pas tant de l’après que de l’inconnu. C’est cela qui nous fait peur finalement, ne pas savoir… L’interprétation qu’on en fait n’est que croyance ou religion. » Son film en a déstabilisé plus d’un, et Clint Eastwood sait qu’il marche sur des oeufs avec ce sujet. Lui, le laïque aux pieds solidement ancrés sur le sol…

La petite musique d’Eastwood

Quand une question ne le passionne pas tant que ça, Clint Eastwood fait mine de répondre à côté et d’évacuer le sujet… Beaucoup de ses films ont la mort comme sujet ou toile de fond, mais il n’a pas envie de disserter à ce propos. Tout juste concédera-t-il avoir modifié le scénario de Peter Morgan pour laisser une fin plus romantique à celui qu’il considère comme « son film le plus européen, puisqu’il est rare de voir un kaléidoscope d’histoires dans les scénarios hollywoodiens ». Le cinéma, sa fabrication et le plaisir de tourner, en revanche, voilà qui le remet en selle. Il veut à chaque fois faire un film différent et fait la moue quand on lui parle d’une patte Eastwood. Lancez-le plutôt sur la musique et la machine repart aussi sec: « Écrire la musique de mes films, c’est pouvoir en gommer les défauts, et c’est un plaisir supplémentaire après la mise en scène et le montage. Mais je n’ai pas de règles en la matière. Pour Impitoyable, j’avais écrit le thème principal avant même le début du tournage. Mais la plupart du temps, j’écris après une journée de montage, en rentrant chez moi. Je compose et je vois si cela colle. Pour Au-delà, j’ai écrit plusieurs thèmes mais, dès que j’ai vu les images de la partie anglaise, j’ai eu le deuxième concerto de Rachmaninov en tête. Dans ces cas-là, il faut laisser parler ses intuitions. »

Écoutez Matt Damon, Cécile de France ou tous les autres acteurs parler de Clint Eastwood, et vous aurez toujours ces deux mêmes réflexions: c’est un homme discret qui passe énormément de temps à écouter. Et qui tourne la plupart du temps ses scènes en une, voire deux prises. « Je suis comme Don Siegel, explique Clint Eastwood, je pense qu’il y a une fraîcheur dans le regard d’un acteur qui joue une scène pour la première fois, qui se transforme en mécanique de jeu dès la troisième ou quatrième prise. »

Question d’avenir

Il se passionne également pour son prochain projet avec Leonardo DiCaprio, une biographie de John Edgar Hoover, directeur très influent du FBI dans les années 50 et personnage très controversé aux États-Unis. Il commencera à travailler dessus en mars prochain. Après Gran Torino, Invictus et Au-delà, il aura donc aligné quatre films en un peu plus de deux ans. Un sacré rythme pour un homme qui porte fièrement ses 80 printemps. Alors, pas envie de faire un break de temps en temps, Monsieur Clint? « Yeahhh! (Rires.) Après Gran Torino, Invictus et Au-delà, que j’ai faits à la suite, je prends le temps, je réponds à des interviews et je me repose! Et puis vous savez, faire des films ne prend plus autant de temps qu’avant… Je réfléchis, je joue au golf, je me promène en montagne, je lis beaucoup… Je crois beaucoup au fait de se poser un peu et d’observer. Comme on regarde ses enfants grandir. »

Et comment celui qui dit qu’il prendra sa retraite de cinéma dans quelques années voit l’avenir? « Je n’ai pas eu le temps récemment d’aller voir des films puisque j’en ai fait trois à la suite! Alors, quand j’aurai pris ma retraite, je regarderai les films des autres! » Il se lève en dépliant de manière animale son mètre 90, vous salue avec un large sourire, tout en préparant sa sortie… « Je verrai des films et je deviendrai un vieux critique aigri! Je dirai: « Ah! De mon temps, j’aurais fait mieux ! »« 

Fabrice Leclerc, via LExpress.fr

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