Cannes: Palme d’or à « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach

Director Ken Loach, Palme d'Or award winner for his film "I, Daniel Blake" © REUTERS
FocusVif.be Rédaction en ligne

Le Britannique Ken Loach a obtenu dimanche pour la deuxième fois la Palme d’Or à Cannes pour un film coup de poing, « Moi, Daniel Blake », qui dénonce la casse du système social, vue par les yeux d’un chômeur.

« Ce monde dans lequel nous vivons se trouve dans une situation dangereuse » car les idées « que nous appelons néo-libérales (…) risquent de nous amener à la catastrophe », a lancé le cinéaste britannique en recevant son prix. « Il faut dire qu’un autre monde est possible et même nécessaire », a-t-il encore déclaré, en français et en anglais, après avoir mis en garde contre le retour de l’extrême droite.

« Ce sont les gens les plus vulnérables qui ont le plus souffert de la baisse des allocations (…) et on leur dit que s’ils sont pauvres, c’est de leur faute », avait-il accusé lors de la conférence de presse qui avait suivi la projection du film. Fidèles à leur méthode, Ken Loach, qui a tourné plus d’une trentaine de films, et son scénariste Paul Laverty, se sont rendus sur le terrain, de l’Ecosse aux Midlands, pour recueillir des témoignages.

Ceux de travailleurs précaires et de laissés-pour-compte qui doivent parfois choisir entre manger et se chauffer, dans un pays où les banques alimentaires et les soupes populaires sont de plus en plus fréquentées. C’est de cette matière vivante qu’a surgi leur personnage de Daniel Blake, menuisier de 59 ans, bon ouvrier mais contraint d’arrêter de travailler après une crise cardiaque. Situé à Newcastle (nord-est de l’Angleterre), ville marquée par une longue tradition de lutte ouvrière, « Moi, Daniel Blake » suit le parcours kafkaïen de Dan entre convocations à l’agence pour l’emploi, questionnaire sans fin sur sa santé, musique d’attente stupide qu’il doit écouter sans cesse avant qu’on ne lui réponde. Sans oublier les ateliers de formation au CV, obligatoires sous peine de réduction de son allocation.

La descente aux enfers du héros de Loach connaît quelques rares moments de solidarité avec un jeune voisin noir et surtout une jeune mère célibataire et ses deux enfants, broyée elle aussi par le système et jouée avec beaucoup de justesse par une comédienne inconnue (Hayley Squires).

Mais la chute de Dan, magistralement interprété par un acteur de théâtre et de « stand-up », Dave Johns, est inéluctable. Pourtant, le « citoyen » Daniel Blake ne réclamait que ses droits « ni plus, ni moins » après une vie passée à travailler. Pour Ken Loach, les agences de recherche d’emploi n’ont pas pour but « d’aider les gens, mais d’ériger des obstacles sur leur chemin ». Pire, on fixe à leurs conseillers « des objectifs chiffrés de gens à pénaliser », afin de réduire les allocations versées. Et on les forme à « gérer de potentiels suicides », s’était-il indigné devant la presse.

Habitué de la Croisette, Ken Loach a démontré qu’il conservait une rage intacte pour ce 19e film, qui renoue avec sa veine sociale après notamment sa Palme d’or en 2006 pour « Le vent se lève », chronique de la guerre d’indépendance d’Irlande. Ken Loach, qui aura 80 ans en juin, avait pourtant laissé entendre que « Jimmy’s Hall » (2014), toujours consacré à l’Irlande, serait son dernier long métrage. Bien lui en a pris de continuer à tourner puisque cette dernière oeuvre au noir a reçu dimanche la récompense suprême à Cannes.

Retrouvez le palmarès complet du 69è festival de Cannes

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