BIFFF 2013: où en est l’épouvante asiatique?

© DR
Stagiaire Le Vif

Parmi la centaine d’oeuvres programmées au festival du film fantastique se trouvaient six longs-métrages d’épouvante asiatique. 15 ans après le succès de Ring, le genre est-il à bout de souffle?

Commençons par un petit retour en arrière. Nous sommes au Japon, début 1998. Les adolescents se passent la nouvelle entre eux: il y aurait un nouveau film effrayant à voir au cinéma. L’histoire d’une vidéo maudite qui condamne quiconque l’a regardée à être tué d’ici sept jours par une jeune fille spectrale aux cheveux longs. Adapté d’un roman de l’écrivain Koji Suzuki, Ring d’Hideo Nakata, Corbeau d’or au BIFFF en 1999, a entraîné à lui seul une vague d’histoires de fantômes venus régler leur compte aux vivants. La malédiction s’est propagée du Japon à la Corée du Sud, en passant par la Thaïlande pour arriver sous forme de remakes aux Etats-Unis. Aujourd’hui, en 2013, le 31e BIFFF proposait six films d’angoisse, l’occasion de voir si l’Asie a encore de quoi nous faire cauchemarder.

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SOS Fantômes

Le retour chez les fantômes du réalisateur de Ring était attendu par les amateurs. En plaçant sa dernière histoire de revenants dans le Japon ancien (Kaidan, 2007), il avait redonné un peu de souffle à un genre dominé par les lycéens de notre époque. On en avait presque oublié l’inutile The Ring 2 (2005), pot-pourri sans âme de tous les poncifs des classiques de Nakata. Il y avait donc un semblant d’espoir de voir le japonais revenir au mieux de sa forme avec The Complex, un titre qui rappelle tout de suite des souvenirs glaçants de barres d’immeubles glauques et de lycées hantés. En effet, l’épouvante asiatique et plus spécialement japonaise (la « J-Horror ») s’est spécialisée dans l’horreur domestique, où le danger vient d’un objet ou d’un lieu familier. Malheureusement, ce complexe ne réussira jamais à instaurer une véritable tension, et les vannes du public du BIFFF resteront plus marquantes que le film lui-même…

Pas étonnant en même temps que le film soit bâclé quand son réalisateur avoue l’avoir fait pour l’argent. Pour mener à bien son documentaire sur l’après-Fukushima, Life After 3.11, Nakata a accepté de faire tourner une chanteuse d’un girl band sous la pression de son producteur. Le résultat est une histoire peu passionnante et surtout très molle, la jeune actrice atteignant des sommets de lenteurs rarement vus. Si on n’en veut pas à Nakata de chercher de l’argent pour une bonne cause, on est un peu ennuyés de devoir subir le résultat…

Les fantômes sud-coréens n’étaient pas plus en forme dans le film à sketches Horror Stories, une relecture horrifique des Mille et une nuits où un coréen fou capture une fille pour qu’elle lui raconte des histoires effrayantes. Quatre segments très différents se succèdent, entrecoupés par ce fil rouge pervers mis en scène par Min Kyu-dong, co-réalisateur du film de revenants Memento Mori. Malgré un chapitre prenant où le transport aérien d’un criminel tourne au carnage, les apparitions des fantômes sont soit inutiles, soit déjà vues, et les deux segments sans esprits sont bien plus convaincants.

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Don’t click de Kim Tae-kyeong relevait un peu le niveau en adaptant le genre aux dernières évolutions technologiques. Après s’être propagées par cassettes vidéos puis téléphones portables (dans La mort en ligne, de Takashi Miike), les malédictions s’attrapent désormais en copiant des films sur clé USB. Après avoir vu une étrange vidéo, la jeune Jung-Mi, aspirante star de YouTube, voit ses fichiers personnels exposés en ligne à la vue de tous. Don’t click ne veut pas pour autant faire la morale aux jeunes sur les dangers d’Internet, mais plutôt montrer les risques de harcèlement et d’atteinte à la vie privée. Le film fait alors tristement écho à des affaires récentes, comme le viol de Steubenville où des photos avaient été postées en ligne. Au final, Don’t click est un film certes classique auquel il faut reconnaître le courage d’avoir traité d’un sujet difficile, tout en offrant quelques scènes efficaces.

Toujours coréen mais bien moins sérieux, Ghost Sweepers de Shin Jeong-won se la jouait à la Ghostbusters, en rassemblant la crème des exorcistes de Corée pour purifier un village. Flanquée d’une jeune journaliste en disgrâce, la fine équipe d’experts du paranormal mène sa petite enquête sur les forces occultes en action. Ça aurait pu être très drôle, mais les gags comme les situations sont trop inégaux pour passionner pendant deux heures, et les fantômes pas si nombreux que ça. Le film souffre aussi d’avoir été programmé la même année que Ghost Graduation, qui s’en tirait dix fois mieux dans le domaine de la comédie fantastique.

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Inspiration occidentale

Dans l’ensemble, la sélection de cette année montre des fantômes fatigués, qui semblent avoir envie qu’on les laisse tranquille. L’an dernier, leurs voeux d’outre-tombe ont failli être exaucés quand le producteur star du genre, Takashige Ichise, a déposé le bilan de sa société Oz Productions. Celui qui était derrière les plus grands hits du genre depuis 14 ans semblait enfin forcé à raccrocher les gants. Et pourtant, le voilà de retour avec « Next Horror », une série de trois films à petit budget dont fait partie Cult, programmé au BIFFF. Réalisé par le spécialiste du faux docu Koji Shiraishi, à qui l’on doit Noroi: The Curse, le Blair Witch japonais, Cult aurait plus sa place en vidéo qu’au cinéma, l’image étant volontairement plate et réaliste pour accentuer l’effet documentaire. Si l’on peut trouver ça extrêmement laid et paresseux, on peut aussi se prendre au jeu de cette histoire d’exorcisme télévisuel qui tourne mal. Les effets spéciaux moyens voire kitsch et le second degré assumés laisseront quand même beaucoup de spectateurs sur la touche.

Les films fantastiques les plus intéressants de cette année étaient en fait ceux qui n’avaient pas l’air d’être asiatiques. En effet, point de fantôme dans le dernier segment d’Horror Stories, Ambulance on the dead zone, mais une histoire de zombie à la fois classique et haletante. En pleine pandémie, une ambulance récolte une mère et sa fille, que l’infirmier soupçonne d’être condamnée. L’infirmière veut la soigner, ce qui crée une tension énorme rendue à merveille par des acteurs au poil. Cette histoire n’a rien d’original, mais son exécution est parfaite et on se prend à rêver d’en voir plus de 20 minutes. Deux ans après White: The melody of the curse, un bon film de fantômes dans l’univers de la KPOP, les deux frères Kim Gok et Kim Sun confirment leur talent et prouvent qu’ils sont capables de sortir de leur zone de confort.

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Le japonais Yudai Yamaguchi est lui aussi capable de faire tout et son contraire, comme présenter Snot Rockets et Abductee dans le même festival. Si le premier est un délire survolté et indescriptible, le second s’inspire largement de Buried de Rodrigo Cortes, ce film où toute l’action se passe dans un cercueil. Ici, un homme d’une cinquantaine d’années se retrouve enfermé dans un conteneur avec quelques affaires et un étrange rocher. Les 20 premières minutes empruntent un peu trop au modèle espagnol, pour mieux s’en éloigner en versant franchement dans le fantastique. Entretemps, le prisonnier profite de sa captivité pour revenir sur ce qu’il a manqué dans sa vie. Jamais lassant sur une heure trente, pour peu qu’on ait de l’imagination, Abductee a en tous cas convaincu le jury qui lui a attribué un corbeau d’argent… juste à temps pour sauver l’honneur.

Fantômes du passé

On est loin du temps où des films majeurs comme Dark Water, Deux soeurs ou The Host dominaient le palmarès du BIFFF. Le fantastique a déçu cette année, et le seul autre film asiatique primé, Confession of murder, a remporté la compétition thriller. On espère alors que le dernier film de Kiyoshi Kurosawa, Real, que certains verraient bien à Cannes, redonnera espoir dans un genre qui doit à tout prix se régénérer et laisser les fantômes hanter nos vidéothèques plutôt que les salles obscures.

À VOIR ÉGALEMENT: notre album sur les cinq films de fantômes japonais qui hanteront vos nuits!

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Lucas Godignon (stagiaire)

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