Berlinale: le palmarès commenté

© Reuters
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

On attendait l’épatant Boyhood, de Richard Linklater; c’est finalement Black Coal, Thin Ice, du Chinois Diao Yinan, qui a remporté l’Ours d’or d’une 64e Berlinale en demi-teinte.

On attendait l’épatant Boyhood, de Richard Linklater; c’est finalement Black Coal, Thin Ice, du Chinois Diao Yinan, qui a remporté l’Ours d’or d’une 64e Berlinale en demi-teinte. Peu d’oeuvres réellement marquantes figuraient en effet au programme d’une compétition d’une qualité forcément inégale, marquée aussi par la présence de nombreux films de genre. Récompensé par le jury que présidait le producteur James Schamus, Black Coal, Thin Ice est de ceux-là, polar bien huilé empruntant largement aux codes du film noir, et dont l’intrigue se double d’un portrait aiguisé de la Chine contemporaine versant province et petites gens. Assurément un bon film, mais que l’on n’attendait pas sur la plus haute marche du podium – l’Ours d’or étant par ailleurs assorti du prix d’interprétation à Liao Fan, impeccable, il est vrai, dans le rôle d’un ex-officier imbibé investiguant une mystérieuse série de meurtres.

La suite du palmarès est plus conforme aux attentes. Richard Linklater, dont le Boyhood a ébloui le festival, reçoit l’Ours d’argent du meilleur réalisateur, et c’est bien le moins pour ce film aussi audacieux qu’émouvant. Pendant 12 ans, le réalisateur texan a réuni les mêmes acteurs (Patricia Arquette, Ethan Hawke, Lorelei Linklater et Ellar Coltrane) à intervalles réguliers, s’attelant, sur la durée, à la chronique de leur existence. Le résultat est superbe, le dispositif s’effaçant devant la matière même du film, qui donne à voir, comme jamais au cinéma, l’éclosion d’un enfant puis d’un adolescent s’ouvrant au monde dans un environnement familial fluctuant; cela, tandis que Boyhood enregistre encore, en toute discrétion, les mutations de la société. Une pure merveille, vibrant au rythme singulier de la vie, et un film que l’on devrait découvrir prochainement sur nos écrans.

L’autre lot de consolation va à Wes Anderson, Ours d’argent et Grand Prix du jury pour The Grand Budapest Hotel. S’inspirant de l’univers de Stefan Zweig, l’auteur de Fantastic Mr. Fox signe une fantaisie inspirée, l’aventure extravagante d’un concierge et d’autres personnages hauts en couleur dans l’Europe centrale de l’entre deux guerres – soit du pur Anderson, prenant l’excentrique mesure d’un monde en train de vaciller. Alain Resnais s’en repart également avec un Ours d’argent pour Aimer, boire et chanter, dont le jury a souligné, à raison, combien ce film, inspiré comme Smoking/No Smoking et Coeurs du dramaturge britannique Alan Ayckbourn, « ouvrait de nouvelles perspectives ».

Enfin, et c’est là aussi un choix judicieux, le film allemand Kreuzweg, revisitant le chemin de croix en 14 plans fixes grinçants, obtient le prix du scénario, tandis que l’actrice japonaise Haru Kuroki est récompensée pour sa prestation tout en nuances dans Chiisai Ouchi (The Little House), mélodrame classique du vétéran Yoji Yamada. A noter encore, s’agissant des autres sections, le Grand Prix Génération 14 plus, octroyé à Violet, du réalisateur belge Bas Devos.

Dossier complet sur la Berlinale dans Focus du 21 février.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content