Au BIFFF, même les sous-titreurs tremblent

Lancé en 1983, Le Festival international du film fantastique de Bruxelles (BIFFF) est désormais l'un des plus grands festivals de genre au monde. © BIFFF
Antoinette Reyners Stagiaire

Valérie Steinier-Vanderstraeten est à la tête d’une société belge de traduction audiovisuelle, Virtual Words. Depuis plus de 20 ans, cette belgo-américaine traduit avec son équipe les sous-titres de plusieurs films du BIFFF, le Festival internatioal du film fantastique de Bruxelles.

C’est lors de ses études en traduction et en sous-titrage que Valérie Steinier a commencé à travailler pour le BIFFF, le Festival international du film fantastique de Bruxelles, réputé pour son style gore et horreur. Cette année, elle a traduit avec son équipe 57 films pour le festival bruxellois. « J’ai déjà sursauté à plusieurs reprises tellement la tension était forte« , confie Valérie Steinier lorsque, seule assise devant son écran d’ordinateur, elle découvre le film morceau par morceau. « Un film asiatique en noir et blanc m’avait beaucoup perturbé. On découvre une jeune femme coincée dans son appartement, effrayée par quelque chose à l’extérieur qui l’empêche de sortir« , raconte-t-elle en souriant comme si ce film était désormais devenu un bon souvenir. « Et d’un autre côté, le fait de regarder ces films au ralenti atténue paradoxalement la peur« , constate-t-elle.

Plus de rires que de cris

Avec 20 ans d’expérience du BIFFF derrière elle, Valérie Steinier est capable de tirer une analyse des films sélectionnés par le festival: « La fin des films américains est la plus prévisible: les jeunes se réunissent dans une maison au milieu des bois et, par le plus grand des hasards, vont tous mourir« , explique-t-elle comme une évidence en rigolant de bon coeur. « Ce que j’apprécie dans le BIFFF, car je ne suis pas une mordue du genre, c’est cette dérision, non seulement lorsqu’on est sur place mais aussi lorsqu’on décortique les films, ça en devient presque drôle« , partage la traductrice bruxelloise. Certains des membres de sa team demandent d’ailleurs de traduire les films du BIFFF même le weekend, tellement les productions sont, selon eux, plaisantes à regarder et à travailler.

Selon Valérie Steinier, le genre des films a changé en 20 ans. Les films dévoilés étaient plus gores avant. Cet avis est partagé par Alain Galland, un ancien du BIFFF qui n’a pas raté une seule fois le festival depuis sa 2e édition: « Avant, c’était le film bête et méchant, il fallait que ça gicle. C’était cul-couille-bite, si je peux me permettre« . Ce fan de genre fantastique avait calculé à l’époque avec ses amis le nombre de films ne dévoilant aucune fesse ou poitrine. Sur les quarante films proposés, seul 2 ou 3 films dérogeaient à la règle. « On se dirige vers un cinéma plus conventionnel aujourd’hui, que je qualifierai de correct« , se satisfait cet amoureux inconditionnel du BIFFF.

« Ils ont évolué vers les films asiatiques, plus spirituels et effrayants ainsi que vers plus de suspens avec des thrillers, mais ces films sont encore plus violents« , intervient Valérie Steinier en se rappelant notamment le film Dog Bite Dog découvert lors de l’édition 2007 du festival. Le film raconte l’histoire d’un homme qui, traité comme un chien, est dressé pour tuer. « Un film d’une violence inouïe et gratuite« , se remémore-t-elle sans aucune difficulté. « Heureusement, la sélection ne s’arrête pas uniquement à ce genre de films« , se rassure la belgo-américaine.

« Le budget du festival pour la traduction est limité« 

Selon Valérie Steinier, les festivals de ce type n’ont habituellement pas beaucoup de moyens, du moins pour la traduction. « Si les festivals audiovisuels devaient sous-titrer l’ensemble des langues sources en français et néerlandais, puisque nous sommes à Bruxelles, le prix serait exorbitant », remarque-t-elle. En conséquence, son équipe, composée d’une douzaine de traducteurs, reçoit un script ou une liste de sous-titres en anglais pour chaque film coréen, japonais ou autres langues étrangères. De plus, ils sont payés sur base d’un tarif forfaitaire par film. « Chaque film n’a pas la même durée, mais on accepte le deal« , affirme-t-elle. Proposant l’ensemble de ses films en version originale sous-titrée, le festival international fait aussi appel au service d’étudiants, notamment de Leuven, pour la traduction des sous-titres de ses films.

Pour traduire les sous-titres de films en tout genre, le constat de la PDG de la société Virtual Words est clair: il faut être curieux. Il est essentiel d’avoir l’envie de découvrir le monde cinématographique et aussi de posséder une large culture générale. « Dans l’univers du cinéma, il y a souvent des références culturelles et historiques. Il faut d’abord arriver à les reconnaitre et ensuite, imaginer comment les traduire dans la langue demandée », relève-t-elle. « Ce n’est pas juste une question de langue, c’est une question de passion pour le cinéma, mais surtout pour la vie en général« , sourit Valérie Steinier, prête à reprendre la lecture de son film là où elle l’avait laissée.

Le BIFFF est programmé jusqu’au 16 avril à Bozar, Bruxelles. www.bifff.net

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