Critique

Anna Karenina

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Joe Wright réinvente le classique de Tolstoï qu’il déploie dans le grand théâtre de la société russe, mise en abîme d’où jaillissent sentiments et émotions.

DRAME DE JOE WRIGHT. AVEC KEIRA KNIGHTLEY, JUDE LAW, AARON TAYLOR-JOHNSON. 2H11. SORTIE: 05/12. ***

Des versions d’Anna Karenina, le cinéma en a produites de nombreuses, le chef-d’oeuvre de Léon Tolstoï ayant inspiré, au gré des époques, les Edmund Goulding, Clarence Brown, Julien Duvivier, Aleksandr Zarkhi ou autre Bernard Rose, tout en laissant le soin à la « Divine » Greta Garbo (à deux reprises), bientôt suivie de Vivien Leigh, Tatyana Samoylova ou… Sophie Marceau d’immortaliser tour à tour l’héroïne russe. Imposante (quoiqu’incomplète) lignée qui, ajoutée à la stature du classique littéraire, aurait pu laisser l’affaire pour entendue. A quoi Joe Wright (Atonement, Pride and Prejudice) a préféré en proposer une relecture inattendue, réinventant le roman dans un espace scénique inusité.

Dans le regard du réalisateur anglais, le monde d’Anna Karenina est un théâtre, en effet, parti pris narratif audacieux qui entraîne le film dans un univers de somptueux artifices d’où vont jaillir sentiments et émotions. C’est de passion amoureuse qu’il est en effet ici question, celle qui, dans la Russie de la fin du XIXe siècle, étreint un jour Anna Karenina (Keira Knightley), épouse d’un haut fonctionnaire russe (Jude Law) et femme de la haute société de Saint-Pétersbourg, qui va s’éprendre au premier échange de regard d’un jeune militaire, le comte Vronsky (Aaron Taylor-Johnson), les voix du coeur et de la raison entamant dès lors un ballet dissonant qui aura le don de déchaîner les réactions outragées. Histoire en contrepoint de laquelle s’en écrit une autre, celle de l’amour que porte Levine, un propriétaire terrien (Domhnall Gleeson), à Kitty (Alicia Vikander), une jeune femme n’ayant d’yeux que pour le même Vronsky…

Un monde de faux-semblants

Ces deux lignes narratives, Joe Wright les entremêle avec finesse au gré du scénario ciselé par Tom Stoppard, glissant de l’une à l’autre tandis que le film opère des va-et-vient entre son cadre stylisé et des décors naturels. Original, le dispositif est plus encore enchanteur qui voit la scène accueillir transports divers, mais aussi salle de bal, course de chevaux, et autres dans un même tourbillon d’inspiration, la mise en abîme invitant le spectateur à se fondre dans un monde de faux-semblants -de même que la vertu affichée n’y est pas dénuée d’hypocrisie, c’est toute la société russe qui ressemble à un vaste théâtre. Moments magiques, que ceux-là, où une scène de danse isole les futurs amants au regard des autres; où le mouvement imaginé par le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui emporte le film dans un ailleurs enivrant -voir, par exemple, la geste mécanique des employés de bureau.

Portrait d’une femme de coeur en butte aux préjugés et conventions de son temps, Anna Karenina atteint alors à une force peu banale autant qu’intemporelle. On regrettera que le film prenne un virage un brin plus convenu dans sa seconde moitié, là où le souffle lyrique qui animait discrètement Atonement fait ici quelque peu défaut. Keira Knightley, qui retrouve là son réalisateur fétiche, n’en brûle pas moins d’un feu particulièrement ardent…

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