Alain Chabat: « J’ai décidé de ne pas m’emmerder à faire des trucs que j’ai déjà faits »

Alain Chabat incarne un Père Noël largué dans Santa et Cie. © Belga Films
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Acteur et réalisateur d’un jouissif Santa et Cie, Alain Chabat s’adresse aux adultes et aux enfants avec le même bonheur complice. Joyeux Noël!

De son personnage de Père Noël dans Santa et Cie (lire la critique), il a gardé la barbe et les longs cheveux poivre et sel. Alain Chabat est de passage à Bruxelles, détendu et flanqué, pour l’heure, d’un de ses interprètes, Pio Marmaï (1), autant que d’un recours drôle et répété au mot « truc ». Contrairement à toutes ces comédies françaises dans lesquelles les acteurs et le réalisateur semblent s’amuser entre eux… et laisser le spectateur à l’écart, Santa et Cie sait communiquer son plaisir avec une belle efficacité. « Le but, c’est évidemment de proposer un truc en partage, déclare celui qui est aussi humoriste (Les Nuls, créés à la fin des années 1980 avec Bruno Carette, Chantal Lauby et Dominique Farrugia). Avec une comédie, c’est mieux si les gens se retrouvent engagés à partager un point de vue, une façon de voir la vie. Et si on rit donc des mêmes choses! »

Le secret, s’il y en a un, ce serait – plus que la générosité – le fait de « tourner une comédie comme si c’était un drame ». Et le réalisateur de Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre et de Sur la piste du Marsupilami notamment d’expliquer: « Vu comme ça, le film n’est pas une comédie, les personnages sont dans la merde pour une raison ou une autre. Il n’y a rien de marrant pour eux. Les autres comédiens et moi, on joue la situation le plus sincèrement possible. Et c’est ça qui fait rire les spectateurs! C’est ce qui me fait le plus rire, quand les personnages sont interprétés au premier degré, sans au fond de l’oeil le moindre petit truc ironique. Si vous dites: « Attention! Je vais vous dire un truc à mourir de rire! », vous êtes sûr de vous planter, vous vous tirez une balle dans le pied. Derrière, c’est sinistre… »

Paris romantique

Expédié dans « une ville de Paris qui peut être agressive, où l’ambiance est parfois plombée », le Père Noël de Chabat y ramène une certaine magie. « J’adore le côté magique des films de Noël, par exemple quand ça se passe à New York. C’est une ville, comme beaucoup d’autres, où il y a des trucs super et puis des trucs pourris. Mais quand je vois ces films, j’ai juste envie d’y passer le Noël suivant, un Noël romantique où on s’embrasse au pied du sapin du Rockefeller Center! Alors j’ai eu envie que Paris soit aussi montrée de manière romantique. »

Pour autant, et toujours aussi inspiré par la bande dessinée (Goscinny et Franquin en tête), l’ami Chabat n’a pas voulu faire mignon, verser dans « une naïveté béate et un peu bébête. » A l’image des précités, il ne veut pas plaire à tout le monde. « Je pense qu’on peut dire des choses à travers une forme légère, dans la fraîcheur de la créativité. » Une créativité qui l’a en l’occurrence poussé à vêtir son Père Noël de vert plutôt que de rouge. Avec au passage, dans une réplique du film, un clin d’oeil à la rumeur persistante faisant de Coca-Cola le grand responsable du changement de couleur. « Il y avait auparavant des représentations dans lesquelles le Père Noël était déjà en rouge, commente-t-il, mais il était aussi représenté en vert, en brun, ou même avec des broderies dorées, dans un style très russe. Aujourd’hui, on a validé une bonne fois pour toutes la version en rouge et blanc de Coca-Cola. D’où mon plaisir de faire débarquer un Père Noël qui lâche: « C’est quoi votre problème? Je ne suis pas rouge mais vert, et alors? » Une option de couleur qui permet le gag amusant du policier signalant un suspect « barbu, portant une djellaba verte »… »

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L’acteur devenu réalisateur tout en restant acteur continuerait bien à se multiplier. « J’aimerais créer un désir pour que les gens se déplacent en salle, vu la profusion d’offres télé ou surtout, à présent, d’Internet. J’adore l’expérience de la salle, y compris faire la queue, acheter mon pop-corn, m’installer et attendre devant le grand écran pour partager une expérience avec d’autres gens. C’est mon kif! Je ne ris pas pareil devant ma tablette ou mon portable, même si on est à plusieurs. Il me faut cette communion-là, que seule permet la salle! »

La course vers le sapin

Dans Santa et Cie, Alain Chabat réussit avec brio mais aussi un grand sens du naturel às’adresser en même temps aux enfants et aux adultes, au jeune public et à celui qui suit sa trajectoire d’humoriste depuis longtemps parfois. « Tant mieux si ça marche! J’essaie toujours d’aller vers des trucs que j’ai peu explorés, voire pas explorés du tout, j’ai envie de me surprendre, pas de me scléroser. Mais, bien sûr, je ne vais pas changer du tout au tout, et ce film-ci n’a pas pour but de faire péter le mythe. Je m’y suis juste mis de temps en temps en position d’enfant, à l’écriture comme au tournage. Je me disais: « Là, c’est bien » ou au contraire « Là, si j’ai 7 ans, je m’emmerde un peu… » Et inversement, je me remettais en position d’adulte pour traquer ce qui pouvait être mièvre ou trop guimauve. Sauf que j’avais envie de me laisser aller à fond dans telle ou telle émotion. Tout est dans les envies, en fait. Je peux m’émerveiller de la curiosité enfantine, mais je sais aussi poser une ligne fine à ne pas dépasser.  »

De ses souvenirs d’enfance relatifs à Noël, l’homme né en 1958 à Oran, en Algérie, tire une vision nuancée. « Chez mes parents, on fêtait Noël mais un peu, pas vraiment, raconte-t-il, alors que moi j’étais hystérique à propos du Père Noël. Le personnage me rendait dingue. Tout ce mystère de savoir par où il passe, etc. J’ai peut-être fantasmé des Noëls qui étaient plus beaux que ceux que j’ai vécus. Ils n’étaient pas horribles, les Noëls à la maison. Ils étaient OK, sans plus. Il y avait un petit arbre, un petit dîner, et le matin les cadeaux, mais bon… Ce dont je me rappelle le mieux, c’est mon excitation du matin, et le bruit de mes pieds nus et moites sur le sol en carrelage quand je courais vers le sapin dans le couloir. »

L’émotion se lit sur le visage d’un Chabat tendre et même un peu timide, qui se justifie encore de son petit nombre d’apparitions récentes au cinéma. « Dans la vie, j’ai décidé de ne pas m’emmerder à faire des trucs que j’ai l’impression d’avoir déjà faits. » Et de conclure: « Je sais aussi qu’il y a des trucs que je ne saurais pas faire. Ou très difficilement. Comme pleurer. Il faudrait que j’aille chercher très loin en moi pour y parvenir… »

(1) Il joue le papa de la charmante famille parisienne dans laquelle débarque un Père Noël ayant garé son traîneau sur le toit de son immeuble.

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