71e festival de Cannes: un palmarès cohérent

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Il arrive que plus qu’un film, une Palme d’or récompense une oeuvre. Avec Une affaire de famille, du Japonais Hirokazu Kore-eda, le jury du 71e Festival de Cannes a choisi une option médiane, ce drame intimiste étant sans conteste l’un des plus beaux fleurons de la sélection, sans surpasser pour autant les deux chefs-d’oeuvre du maître nippon, Nobody Knows et Still Walking.

Kore-eda y revient à son thème de prédilection, la famille, et celle d’Une affaire de famille est bien curieuse de prime abord, dont les contours sont un peu flous, et qui vit, pour l’essentiel, de menus larcins et autres petits arrangements avec l’existence.

Une précarité ne l’empêchant pas de recueillir bientôt une fillette abandonnée dans la rue, « adoption » qui va avoir le don de redistribuer les cartes. S’ensuit une chronique douce-amère, le cinéaste, héritier de Ozu, croquant ce portrait de famille avec sa délicatesse coutumière, qu’il relève d’une touche discrètement subversive et d’une dimension plus sociale qu’à l’accoutumée.

La famille de Kore-eda évolue aux marges de la société, et le jury présidé par Cate Blanchett s’est montré sensible aux grands thèmes ayant traversé cette 71e édition ; plus, sans doute, qu’aux enjeux esthétiques. Le Grand Prix octroyé au revenant américain Spike Lee pour Blackkklansman récompense ainsi une satire qui, si elle flingue allègrement tous azimuts, des suprématistes blancs à Donald Trump, enfonce aussi nombre de portes ouvertes. La finesse n’est pas non plus la qualité première de Capharnaüm, de Nadine Labaki. Pour autant, la cinéaste libanaise, Prix du jury, embrasse avec coeur et la rage chevillée à la caméra la cause de l’enfance maltraitée, sur les traces de Zain, inoubliable gosse des rues de Beyrouth tentant de se soustraire à l’existence que lui ont réservée les adultes. La suite du palmarès traduit un même engagement social. Ainsi des deux prix d’interprétation, à Marcello Fonte pour Dogman, de l’Italien Matteo Garrone, et Samal Yeslyamova, pour Akya, du Russe Sergey Dvortsevoy. Ou encore des deux films qui se partagent le Prix du scénario, Trois visages, de Jafar Pahani, et Lazzaro felice, d’Alice Rohrwacher, qui se placent l’un du côté des femmes en Iran, l’autre du côté des marginaux dans un monde n’ayant que faire de la bonté. Quant à Pawel Pawlikowski, Prix de la mise en scène pour Cold War, il inscrit dans une perspective historique – la Pologne stalinienne – les affres d’un couple s’accrochant à son impossible amour. Et jusqu’à Jean-Luc Godard – Palme d’or spéciale ! – qui questionne un monde en guerre(s) dans un Livre d’image en forme de montage-collage ébouriffant. Soit un palmarès cohérent, que complète par ailleurs la Caméra d’or octroyée à Girl, du cinéaste belge Lukas Dhont, et dont on regrettera les absences de Christophe Honoré (Plaire, aimer et courir vite), Stéphane Brizé (En guerre), Lee Chang-dong (Burning), ou David Robert Mitchell (Under the Silver Lake), mais c’est là une autre histoire…

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