Serge Coosemans

2017, l’année qui a duré moins longtemps qu’un pain-frites à 4 heures du mat

Serge Coosemans Chroniqueur

Best & worst of 2017 en deux temps. Cette semaine: films, bouquins, musique et culture Web en vrac. La semaine prochaine, chronique de fond sur le phénomène le plus troublant de l’année: la montée en puissance d’un féminisme bourgeois millennial bien gnangnan. On vous laissera ensuite trois semaines pour la digérer, celle-là. Esprit de Noël, paix dans les coeurs, c’est le Crash Test S03E15.

CINOCHE. J’ai détesté Twin Peaks: The Return, j’ai détesté Blade Runner 2049. J’ai adoré revoir Profession: Reporter, Répulsion, Massacre à la tronçonneuse, Le Coeur fou, Les Yeux sans visage, Le Mouton enragé, le Martin de George A. Romero ainsi que Il Demonio, ce film italien complètement oublié du début des sixties et qui est un incroyable mix, avec 10 ans d’avance, entre The Wickerman et L’Exorciste. J’ai aussi développé depuis janvier une grosse fixette vis-à-vis des carrières de 1965 à 1975 de Jean-Louis Trintignant, Elliott Gould et Julie Christie. Sur Netflix, War Machine, avec Brad Pitt, était plutôt pas mal mais sans doute beaucoup moins percutant que le bouquin dont il est inspiré. Okja, en revanche, m’est passé complètement au-dessus du barbecue: trop de propagande vegan, trop de bullshit millennial. En parlant de ça, je n’ai jamais vu Stranger Things et je ne verrai jamais Stranger Things. Fondamentalement, parce que je m’en bats complètement les tomates cerises (pour rester dans le vegan) mais comme nous vivons à une époque où une justification vaguement révoltée et antisystème vaut mieux qu’une plate vérité, on dira que ça vous apprendra à ne plus inonder les réseaux sociaux de publicités, hein, Netflix. Sinon, j’ai vu King Kong: Skull Island mais pas 120 battements par minute. J’ai vu Logan mais pas Detroit. J’ai vu Dunkerque mais pas The Shape of Water. J’ai vu Alien: Covenant mais pas The Killing of a Sacred Deer. Bref, je peux totalement admettre que si je me suis plutôt emmerdé devant les films de 2017, c’est surtout parce que je l’ai bien cherché. Et sinon, ouais, ouais, Baby Driver était cool. Fort curieusement.

ZIKMU. Je n’aime toujours pas le hip-hop belge nouvelle génération. Je n’aime pas Angele, je n’aime pas Juicy. Mais j’aime Bedouine, Ariel Pink, John Maus, The Moonlandingz, King Lizzard & The Lizard Wizard, Bill Converse et LCD Soundsystem. J’ai aussi adoré le retour de Slowdive, les podcasts de Guido Minisky et de Ivan Smagghe, ainsi que l’album de Cheveu & Group Doueh. Je pense que je n’ai vu que trois concerts cette année: Chocolat, Male Gaze et Our Fortress. L’un d’eux était vraiment atroce, je ne dirai pas lequel. De façon générale, j’ai en fait trouvé que ça a été une année plutôt sympathique pour la musique: même le moyen a semblé moins moyen que d’habitude. Je n’en reviens cela dit toujours pas qu’alors qu’il y a tout ce que l’on veut au bout d’un clic et que plus personne ne lit la presse dite de prescription, on se fasse quand même tous avoir à un point dingue par le marketing musical 2.0; perdant tout notre temps à discutailler de hypes sans saveur lancées par les pros de la vente de vent plutôt que de partir en expédition à la découverte de discographies passionnantes, oubliées et pourtant ultra-disponibles. Non mais allô quoi, t’es dans l’hypermarché du chocolat international et t’en ressors avec un Bounty.

ARBRES MORTS. J’ai lu Jours barbares de William Finnegan et j’ai trouvé ça très mal traduit, un poil surestimé mais plutôt inspirant (mon nouvel objectif de vie: devenir clochard des plages à 55 ans). J’ai lu American War de Omar El Akkad et je l’ai trouvé un poil trop démonstratif mais certainement pas à jeter, du genre à vraiment beaucoup gagner d’une adaptation cinématographique réussie qui ferait de cette abominable dystopie américaine le deuxième classique de SF altermondialiste du XXIe siècle, juste après Children of Men. J’ai encore lu le Fond du port de Joseph Mitchell et ça, c’est vraiment irréprochable. Tout comme l’est In Love d’Alfred Hayes, ressorti chez Penguin Modern Classics. Bref, encore des trucs de 1950 qui enfoncent tout ce qui existe de leur modernité. Faut sinon que je me chope encore Lincoln in the Bardo, le dernier Joan Didion et le dernier John Le Carré. Ainsi que tout ce que je peux trouver d’Ursula Le Guin et Anna Kavan, parce que bon, la blague « Margaret Atwood, reine de la SF féministe », ça va deux secondes, quoi…

LES INTERWEBS. La polémique YO m’a grave gavé, de même que Meryl Streep et l’overdose de festivals urbains. La récente tentative de lynchage virtuel de Benjamin Maréchal était elle aussi plutôt tartiflette, à peine moins que ses émissions. Et le strap-on de Björk, purée. J’ai encore ressenti une vraie pitié pour tous ces gens qui ont adoré l’épisode San Junipero de Black Mirror, selon moi l’un des plus mauvais/niais du lot (le plus nul restant celui avec les abeilles, on est d’accord). J’ai aussi ressenti une fausse pitié pour Christophe Conte, journaliste jadis plutôt carnassier désormais réduit à live-twitter les émissions de Laurent Ruquier et puis aussi pour Florence Hainaut, Castafiore du service public régional qui tient sa boutique virtuelle comme une guichetière de la CAPAC. Je ne comprends sinon toujours pas pourquoi accorder la moindre seconde d’intérêt aux théoriciens de la Terre plate et de l’Effet Mandela, comme s’il n’y avait pas plus urgent et intéressant à démonter. Et je n’ai pas changé d’avis: je suis toujours pour #Metoo, absolument, mais aussi totalement contre la censure, ne fût-ce qu’économique, des films de Roman Polanski, Woody Allen, Kevin Spacey et Louis CK. Et, comme tout le monde sans doute, j’ai pensé arrêter Facebook et Instagram au moins 15 fois par semaine.

Cela dit, l’année me fut plutôt peinarde, en fait. Malgré les drames, malgré la sinistrose. 2017 m’a carrément semblé prendre moins de temps qu’un pain-frites-merguez andalouse à 4 heures du mat. Comme si j’étais sorti acheter une salade un lundi midi de mars et que, pouf, voilà que lorsque j’ouvre le sachet pour le noyer dans la mayonnaise, on était déjà un jeudi soir de novembre. Normal, diront certains, les mêmes billes qui défendent le concept d’Effet Mandela: c’est le CERN qui a déréglé l’espace-temps avec ses conneries quantiques. Quoi qu’il en soit, je sors de 2017 avec l’étrange impression de n’avoir rien foutu. Alors que j’ai habité 3 appartements différents, écrit un livre, sorti un livre, promotionné un livre et que je travaille déjà sur le livre suivant. En plus d’également boulotter pour Wilfried, magazine politique apparu en juin et qui est tout simplement l’une des meilleures choses sorties de Belgique depuis longtemps. Ce que je dirais même si je n’avais rien à voir avec eux. Sérieux. Vous m’avez déjà vu rater une occasion de lancer des piques? Bon, alors…

LA SEMAINE PROCHAINE, J’ENLÈVE LE BAS. Autant prévenir, cette chronique n’est qu’un hors d’oeuvre. La semaine prochaine, j’entends en effet vous parler de ce qui m’a vraiment dérangé en 2017: l’avènement d’un féminisme bien cucul-la-pral concernant principalement les bourgeoises blanches révisionnistes autoritaires de 25-35 balais. Vu que Crash Test prend ensuite 15 jours de vacances (retour le 8 janvier 2018), ça vous laissera le temps de bien la digérer, celle-là. Huhu, de quoi passer un.e bien joyeux.se Noël.le. #teasertrompelamort

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