Serge Coosemans

2017, l’année où les dessous de bras de Wonder Woman font polémique

Serge Coosemans Chroniqueur

Que des films fassent polémique parce qu’ils abordent des sujets sensibles ou présentent des situations de nature à courroucer les bigots, soit. Mais que des films fassent polémique parce que les personnages agissent de telle façon plutôt qu’une autre ou s’épilent les dessous de bras, voilà qui a de quoi faire démarrer la boîte à moqueries de Serge Coosemans au quart de tour. Pilosités d’Amazones et carambolages, c’est le Crash Test S02E26.

J’ai vu cette semaine The Kids Are All Right, une comédie relativement sympatoche réalisée par Lisa Cholodenko en 2010. L’histoire est celle d’un couple de lesbiennes, Julianne Moore et Annette Benning, dont les enfants décident de rencontrer le donneur du sperme qui a permis à leurs mères d’enfanter, leur père biologique donc, jusque-là anonyme, et interprété par Mark Ruffalo. Le gars est charmant mais concon, « un noceur de presque 50 balais », et la façon de présenter les deux lesbiennes semble aussi conforter le vieux cliché qu’un couple lesbien est souvent composé d’une femme avenante et d’une pimbêche (je ne suis pas sur Twitter, vous pouvez m’insulter sur Facebook). Un moment, Julianne Moore, qui n’est pas la pimbêche, couche avec Mark Ruffalo, prend plutôt son pied et en redemande. C’est plus un film burlesque qu’une thèse mais ça n’en a pas moins déclenché une grosse polémique à l’époque: beaucoup de monde a reproché à ce film hollywoodien mainstream, avec de bons acteurs respectés, de jouer la carte de la facilité et même de la beaufitude en se laissant aller à montrer une lesbienne qui a l’air de drôlement aimer le sexe hétéro dans un film prétendu fin et où un couple homosexuel est présenté dans sa banalité la plus ordinaire, sans tapage.

Je n’avais jamais entendu parler de cette polémique et elle m’a complètement interloqué. Je trouve en effet complètement crétin que l’on reproche à un film qu’un personnage de lesbienne y couche avec un homme. C’est comme si on allait gueuler sur Die Hard/Piège de cristal parce que les terroristes allemands y sont motivés par le pognon et habillés en Armani alors que dans la réalité, la plupart des terroristes allemands débitaient des tirades marxistes et ne portaient que d’affreux pulls en lycra sous des imperméables de simili cuir. Il existe peut-être des terroristes allemands en Armani, je n’en sais rien et je m’en fous. Il existe très certainement des lesbiennes qui, comme dans le film, en pleine crise personnelle, trompent leur partenaire de longue date le temps d’un tirelinpimpon sur le chihuahua et, pareil, je m’en fiche. Un film comme celui-là, ce sont des personnages, des histoires. The Kids Are All Right n’est rien qu’une comédie de moeurs classique et même si c’est un couple de femmes gay qui tient le rôle principal, ce qui peut être vu comme novateur, si on regarde le film du point de vue de l’homme, il n’est quand même jamais qu’une énième histoire de bourgeois qui se tape la jardinière (l’architecte paysagiste en l’occurrence mais c’est pareil, non?). Bref, du théâtre de boulevard revisité, pas de quoi en faire un fromage.

Pourtant, fromage a été fait. Une montagne de fromage, même. Depuis l’invention des réseaux sociaux, fromage est même fait pour à peu près tout ce qui sort. Ainsi, le Huffington Post relevait dernièrement que l’on en est même arrivé à polémiquer sur le fait que Wonder Woman n’a pas de poils sous les aisselles dans le dernier film qui la met en scène, les images de ses dessous de bras ayant été retouchées afin d’en faire disparaître la moindre pilosité. Elle devrait pourtant être un poil (haha) velue, puisque censée avoir été élevée sur une île d’Amazones, « loin de tous les diktats sur la beauté féminine dans notre société », martèlent certains nigauds de réseaux sociaux. Ce ne sont en effet à l’origine que des couillonnades sur Twitter mais celles-ci ont ensuite été gonflées comme des ballons d’air chaud par des pigistes en manque de sujets et réadaptées en articles où un détail banal d’un film par essence complètement irréaliste (et aussi à la moindre image retouchée) devient un combat féministe en soi. Sur le site de Forbes, par exemple, on déclare carrément que si Wonder Woman n’a pas de poils sous les bras, c’est parce que « le corps des femmes fait peur aux hommes ». C’est d’autant plus consternant que certains répondent sérieusement à ces bêtises, estimant par exemple malin de rappeler que les Amazones sont issues de la mythologie grecque et que dans la Grèce ancienne, les femmes suivaient elles aussi des diktats de beauté. Personnellement, j’aurais trouvé beaucoup plus marrant et définitif qu’un historien s’en mêle et rappelle que si Wonder Woman devait vraiment être représentée telle que l’on représentait les Amazones, elle aurait peut-être bien des poils sous les bras mais surtout un sein à l’air. Or, Gal Gadot à moitié nue dans un film surtout destiné aux ados boutonneux, voilà qui n’aurait certainement pas manqué d’encore faire davantage jaser les féministes bloggeuses et autres pépoputes qui dégainent leurs indignations comme d’autres leur pot de crème épilatoire. Je n’ai rien de plus à ajouter, Votre Honneur.

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