Témoignage d’un graffeur: « je recherche la sensation »

Blaze vient de poser son blaze © Blaze
Tom Denis Stagiaire

Sous couvert de l’anonymat, Blaze, un graffeur de 22 ans, étudiant dans une école d’art, nous raconte comment il a commencé à taguer dans la rue.

Tu fais quoi concrètement en rue?

Je fais du graff. Je ne me définis pas comme un street artiste. Je fais du graff vandale. Ce n’est pas recherché, ce n’est pas beau, j’aurais même tendance à éviter d’associer cela à de l’art. Je fais des flops, des tags et des personnages de temps en temps, mais c’est très loin de la recherche que je peux atteindre en travaillant en atelier ou en travaillant de manière très conventionnelle.

Qu’est-ce que tu recherches dans le fait de taguer?

Je recherche la sensation. C’est le moment vécu qui m’intéresse et non la trace que je vais laisser derrière moi. On peut dire que je suis un genre de vandale mais au final, ce que je veux c’est ressentir l’adrénaline. Ce que j’aime c’est de devoir faire attention, d’être susceptible à tout moment d’être coursé par les flics.

As-tu déjà eu des problèmes avec la police?

Quand j’avais 16 ans, j’ai été peindre à la gare de Berchem avec quatre potes. On venait de poser chacun une pièce. Sur le chemin du retour, une bagnole de flics banalisée a subitement freiné devant nous, sur le trottoir. Des mecs balaises en doudoune sont sortis du véhicule sans prévenir qu’ils étaient de la police. Ils nous ont coursé… Deux de mes potes ont réussi à s’échapper. Par contre, moi et un autre, on s’est fait chopper et on s’est fait niquer. C’était assez violent. L’intervention est devenue musclée parce qu’on a commencé à fuir. On s’est fait tabasser. Moi ça allait, j’avais seulement la lèvre ouverte. Par contre, mon pote avait un oeil injecté de sang, la gueule et la gorge mauve.

C’est cette sensation d’être illégal qui te fait aimer taguer?

Les mains de Blaze après un tag
Les mains de Blaze après un tag © DR

Clairement. Cette sensation, au moment où le flic me courait après, était l’une des plus intense que j’ai eue dans ma vie. Tu te sens vivre, c’est ça que je recherche au final.

Tu veux raconter quelque chose de spécial par tes graffs?

Je pense que le message, il n’est pas spécialement visible à travers ce que j’écris. Le message est plus profond, il faut le deviner… Quand tu vois un graff sur un train par exemple, là il y a un message. C’est la SNCB, c’est subventionné par l’État. Tu t’attaques en quelque sorte à un certain système. Je pense que le graff en lui-même, tu n’as pas besoin d’écrire ton message, il ressort du graff en tant que mouvement de contestation.

Tu as une déontologie, des endroits où ne pas taguer?

Flop de Blaze le long d'une voie ferrée
Flop de Blaze le long d’une voie ferrée© Blaze

Oui, ça dépend, on a toujours une déontologie jusqu’au jour où tu vois vraiment un spot qui va te faire craquer. Par exemple, il y a un truc qui n’est pas bien, tout le monde le sait, mais tout le monde en raffole. C’est les camionnettes blanches… qui généralement appartiennent à des particuliers, ça représente pour le graffeur une petite pépite. C’est comme une toile totalement vierge. Et en plus, cette toile va voyager… C’est dur de résister. Personnellement, je garde le graff pour moi, pas pour porter préjudice à quelqu’un ou à quelque chose. Si je peux éviter de le faire, je le fais. Par contre quand tu veux graffer en ville, c’est dur de ne pas peindre sur la propriété de quelqu’un.

Pourquoi as-tu eu l’envie de graffer dans la rue?

Quand j’ai fait mon premier tag, je devais avoir 15 piges. Je me suis rendu rue Neuve. C’était évocateur et porteur de sens. Si j’ai tagué rue Neuve, alors que c’est plein de flics, c’est que j’avais vraiment envie de le faire. Ce premier tag, je l’ai fait le lendemain d’avoir fini le bouquin de Banksy, Wall and Peace. Dans ce livre, Banksy est pour que le citoyen prenne en main l’espace public. Il critique vivement la publicité et le fait que les gens la subissent sans avoir le droit de répondre. J’ai donc commencé pour le message et pas pour la beauté. Il faut savoir que Banksy, avant d’être étiqueté en tant que street artiste, c’était un simple graffeur… Avant de faire ses pochoirs, il faisait des flops comme tout ce qu’on peut voir dans les rues.

Pour toi, quelles sont les caractéristiques d’un graffiti?

Un graffiti doit d’abord venir des tripes. Tu ne peux jamais être payé pour faire un graffiti. Tu ne dois jamais avoir l’autorisation pour faire un graffiti. La technique importe peu, tu peux le faire à la peinture ou le graver dans les murs. Tu peux le faire avec ce que tu veux et ce n’est pas vraiment ce que tu écris qui compte: c’est le fait d’écrire sur les murs, c’est le geste et pas ce qui va en rester.

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