Où habitent les artistes à Bruxelles?

Au pied de l'église du Parvis Saint-Gilles, le Verschueren, l'un des plus vieux bars de Bruxelles, "un vrai repère pour les artistes du quartier". © Baptiste Erpicum
Stagiaire Le Vif

Aujourd’hui, les artistes peuplent surtout les communes d’Ixelles et de Saint-Gilles. C’est ce que révèle Tatiana Debroux, géographe et chercheuse à l’Université Libre de Bruxelles, dans une publication pour la revue scientifique électronique Brussels Studies. Nous sommes allés vérifier sur place.

Avenue Louise, les voitures s’arrêtent aux feux pour laisser traverser une bande de jeunes filles en fleurs. Elles se rendent à La Cambre, elles passent l’épreuve d’admission qui décidera de leur entrée dans la prestigieuse école nationale supérieure des arts visuels.

Les artistes en herbe grandissent à l’ombre de l’abbaye cistercienne de la Cambre dès 1926. Ce n’est pas un hasard si le décorateur Henry van de Velde a créé le laboratoire pédagogique dont il rêvait en contrebas de l’avenue Louise. C’est, depuis longtemps, le lieu de prédilection des gens riches et cultivés qui soutiennent les artistes.

Mais, comme souvent à Bruxelles, il existe un contraste entre l’axe de prestige qui mène du bois au centre-ville et les rues adjacentes. Les amateurs d’art, rentiers et bourgeois exerçant une profession libérale, logent sur l’avenue bordée d’arbres, les artistes en contrebas. Entre les deux, les marchands d’art. Les galeries se situent historiquement sur la chaussée de Charleroi. Au numéro 108, chez Pascal Polar, on prépare justement deux expositions. Divers artistes présenteront leur oeuvre au premier étage, Emmanuel Barcilon, Lance Letscher, Hasan Mussa… tandis que Chéri Samba posera la question de l’avenir de l’art, à travers ses toiles, au deuxième étage.

L’inauguration n’a lieu que demain, il faut continuer notre chemin pour trouver ce que nous cherchons: le coeur artistique de Bruxelles. Direction Porte de Halle. C’est dans cette direction que nous guident les effluves des illusions sublimes. Gagné! Peu avant le Parvis Saint-Gilles, Anton Israël nous interpelle par son allure bohème. Il confirme notre intuition et l’étude de Tatiana Debroux: « Je vis dans le quartier, j’ai un atelier pour mes montages vidéos. Pourquoi je suis venu m’installer ici? Je ne peux pas vraiment l’expliquer. » Probablement parce qu’il avait l’opportunité d’y trouver un local assez grand pour pas trop cher, et l’effervescence du quartier aussi.

Les terrasses dressées sur le Parvis sont très animées, surtout avec le soleil qui fait de la résistance. À une table, un réalisateur au visage populaire parle de son futur projet, Génération Rasta, un film en Afrique qui reflète l’énergie d’une génération. Comme l’énergie qui se dégage des conversations tenues dans la Maison du Peuple? « Oui, ces jeunes un peu rebelles, c’est la même chose. »

Les pavés de la place claquent sous les Sneakers à la mode et les Camper intemporelles. À gauche, un festival de hipsters, à droite, un florilège de bobos. Les uns « créatifs » dans la pub, les autres se livrant à leur passion personnelle, avec plus ou moins de succès. Tous animés par l’envie de se démarquer, d’être un peu artiste au fond. Et, quand nous cherchons à rencontrer un artiste reconnu pour de vrai, on nous dit que Stefan Bohnenberger est toujours là, il habite tout près. Mais aujourd’hui, impossible de le trouver. Dans cet article, il restera donc l’âme-artiste – insaisissable – qui anime le quartier-artiste de Bruxelles. Parce que, oui, c’est là que ça se passe, comme le précise l’étude de Tatiana Debroux.

Du nord-est au sud-est, la migration des artistes

Si l’on remonte dans le temps – au 19e siècle -, les artistes ont davantage leurs habitudes au nord-est de la ville, à Saint-Josse, puis à Schaerbeek. Ils achètent çà et là des lopins de terre bon marché. Ils édifient leurs maisons et leurs ateliers, souvent vastes. Ils ne sont pas loin du pentagone, épicentre de la vie culturelle, mais peuvent aussi trouver refuge dans les bois et les champs qui bordent la ville.

Selon la revue L’Art Moderne, en 1891, le phénomène ne connaît pas de limite: « C’est à se demander si en dehors de cette commune éminemment artistique, il existe des ateliers de peinture ou de sculpture, ou si, à Schaerbeek, il y a des citoyens qui exercent d’autres professions que celle de barbouiller des toiles ou de pétrir de la glaise (…) »

Pourtant, avant-guerre, les artistes ne se retrouvent plus dans ces quartiers. Ils se sentent de plus en plus isolés du centre. Et, finalement, les rénovations et les nouveaux aménagements les feront fuir. Le souvenir de leur passage perdure néanmoins à travers les noms des rues, les parcours d’artistes et la rénovation récente des ateliers Mommen.

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INTERMÈDE CHAMPÊTRE ENTRE LES DEUX GUERRES

Les artistes se réfugient hors de l’agitation des villes modernes. Ils s’installent à Tervuren, à l’orée de la forêt de Soignes, près du Rouge Cloître, et surtout à Uccle. Ils peignent la nature et amènent leurs toiles aux marchands d’art du centre-ville, avec les tramways et les bus. Leur clientèle apprécie ces paysages rural et pittoresque à deux pas de la ville. Les bourgeois commencent aussi à se déplacer vers ces coins tranquilles. Le prix au mètre carré grimpe très vite. La périphérie devient impayable pour les artistes.

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LE RETOUR À LA VILLE

Dans la seconde moitié du 20e siècle,c’est le sud-est de la ville qui est envahi par les peintres, les sculpteurs, et tous les artistes en général. Ils jouent un rôle dans la rénovation du quartier, c’est en quelque sorte les pionniers de ce processus. D’ailleurs, les déplacements du pôle artistique bruxellois peuvent continuer à expliquer l’évolution de la ville. Comme le renouveau du quartier des Halles Saint-Gery, avec la rue Antoine Dansaert qui réunit le beau monde de la mode. Finalement, ce sont les artistes qui redessinent la ville.

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Baptiste Erpicum

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