Le street artist Invader envahit New York en toute légalité

Un Joey Ramone signé Invader dans les rues de New York. © AFP/Jewel Samad
FocusVif.be Rédaction en ligne

Rendu célèbre par ses mosaïques murales autour du thème du jeu vidéo Space Invaders, le street artist français Invader « envahit » New York avec l’intention de faire durer ses créations, souvent pillées par des spéculateurs.

Il vient poser ses « pièces », comme il les appelle. Des mosaïques faites avec des carreaux de salle de bain, reprenant l’imagerie pixellisée de Space Invaders et disposées sur des murs d’immeubles. Depuis 1998 qu’il officie, il en a déjà posé près de 3.200 dans le monde, dont 1.183 à Paris. La nuit, presque toujours, pour éviter la police ou les curieux, sans autorisation.

Cette fois, il a changé d’approche et lancé un appel en amont, afin que des New-Yorkais lui proposent des emplacements dont ils sont propriétaires ou dont ils maîtrisent les accès, plus protégés qu’à l’habitude. « C’est vraiment pour moi une nouveauté », explique-t-il à l’AFP, après son arrivée à New York. « L’idée de cette pièce légale, c’est que je peux prendre plus de temps pour faire une grande pièce (plus difficile à arracher), et les murs sont protégés, parce qu’il faut franchir une propriété privée, donc c’est plus risqué d’aller la décrocher. »

Parmi les pièces new-yorkaises, dont certaines dépassent trois mètres de haut, des parts de pizza, des hamburgers, des « invaders », mais aussi des portraits pixellisés de grands personnages new-yorkais: Woody Allen, les Ramones, Lou Reed, Andy Warhol, ainsi que les Tortues Ninja.

Deux mois de préparation, pratiquement une tonne de matériel acheminé à New York, Invader a changé d’échelle. Mais cette nouvelle approche est davantage une contrainte qu’un choix. Car sur les 147 pièces qu’il a déjà posées à New York lors de précédentes « invasions », « il n’en reste que quatre ou cinq », dit-il.

Désormais, Invader, street artist de 46 ans, ne joue plus avec la police mais avec un groupe d’indélicats prêt à tout pour récupérer ses oeuvres et les revendre. « C’est des kamikazes, les mecs. Ils n’ont pas peur », explique-t-il. Il a bien essayé de prendre des carreaux plus fragiles, une colle plus forte, mais rien ne dissuade ces admirateurs d’un genre particulier. « C’est quelque chose de général, mais qui est d’autant plus présent à New York », dit-il.

« Connu mais pas reconnaissable »

Il espère que les New-Yorkais auront le temps de voir ses créations et, pour les mordus, de télécharger l’application qui offre un jeu de piste à travers les villes où il est passé. « J’ai envie que les gens, une fois que je quitte une ville, apprécient mon intervention », dit-il. « Je ne suis pas là pour vandaliser la ville, mais pour laisser une trace de mon passage, raconter une histoire. » C’est cette relation qu’il recherche, lui qui préserve jalousement son anonymat. « Cela fait partie du projet, ça fait un peu super héros, qui agit la nuit », s’amuse-t-il, refusant d’être photographié ou filmé à visage découvert. « J’aime bien ce paradoxe d’être connu mais pas reconnaissable. »

Invader dit faire « partie des artistes privilégiés qui peuvent vivre de leur art », grâce à la vente d’oeuvres par des galeries ou sur son site. Mais il ne fait pas payer les centaines de pièces de rue qu’il installe. « Ça n’a jamais été mon but de faire de l’argent dessus », assure-t-il. Ce qui l’attire, dit-il, c’est avant tout la rue. Rendre l’art accessible, observer comment ses pièces s’insèrent, une fois posées, dans la vie d’un quartier et les réactions qu’elle suscitent.

La rue, c’était aussi, à l’origine, le frisson de la transgression. Parce qu’il reste attaché à cette urgence, à ce côté imprévu, Invader va poser la moitié de ses nouvelles pièces new-yorkaises (environ 20 sur 40) sans autorisation. « C’est vrai que j’ai beaucoup plus d’admiration pour une pièce qui va être illégale: ça se sent, c’est sur un toit avec des graffitis autour, plutôt que le truc bien propre sur une boutique. »

Comme la plupart des street artists, Invader est en permanence soumis à des forces que certains voient comme inconciliables: la rue et son côté désintéressé, face au monde de l’art et parfois son mercantilisme. « J’ai un pied dans chacun de ces groupes », dit-il. « J’essaye de trouver le bon échelon entre mainstream et underground. »

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