Le street art au féminin s’invite à Bruxelles

Miss Fuck, Sarah Chelou et Patricia Gadisseur © DR

Les hôtels Pullman et la galerie Art Génération se sont associées pour une exposition collective, avec pour ambition de faire vivre le lieu par le biais d’oeuvres originales.

Jusqu’au 30 mai et dans le cadre du concept Artist Playground by Pullman, l’hôtel Pullman, situé à deux pas de la gare de Bruxelles Midi, se transformera en véritable exposition mettant un coup de projecteur sur trois street artistes féminines, Sarah Chelou, Miss Fuck et Patricia Gadisseur. L’initiative a pour but de donner une autre expérience de l’hôtel à ses clients que simplement le bar, le restaurant et les chambres. Le public de l’établissement étant essentiellement constitué de businessmen durant la semaine, et de touristes le week-end, l’art était un bon vecteur de ce courant.

L’idée est née grâce une rencontre avec le galeriste de Art Generation, dont sont issues les trois artistes. Comme le street art est majoritairement masculin, ils ont décidé de prendre le contrepied en proposant des artistes féminines. Au total, c’est plus d’une vingtaine d’oeuvres qui seront exposées, avec une caractéristique commune, l’influence flagrante de la pop culture. Miss Fuck est très inspirée par le milieu underground, punk et tout son univers musical, littéraire et cinématographique. C’est ainsi qu’on retrouvera dans ses oeuvres des reproductions d’images de L’Exorciste, du clown de It ou du gamin de The Wall. Chez Patricia Gadisseur, on retrouvera souvent un personnage central célèbre comme David Bowie, Mick Jagger, Miles Davis… et des personnages de BD et comics avec Mickey, Spiderman, le tout dans un style inspiré d’un certain Jean-Michel Basquiat. Et c’est la même chose pour Sarah Chelou, mettant sur toile des moments de cinéma et très souvent des héros de la culture des années 90. Le tout offre un mélange très coloré qui fait revivre la sobriété de l’hôtel.

Miss Fuck
Miss Fuck© Guillaume Scheunders

Le projet plaît beaucoup aux artistes car c’est un tout autre public que celui qui vient les admirer dans des galeries. Pour Miss Fuck, c’est vraiment une bonne initiative. « Les gens s’assoient, regardent, ils n’auraient peut-être pas été les voir en galerie, ça va peut-être les déranger, ou pas, mais ce qui est intéressant c’est que ça amène à la discussion et j’adore ça la discussion, mais dans l’échange, pas dans l’agressivité. La réaction des autres m’intéresse toujours. »

La Haine, de Sarah Chelou
La Haine, de Sarah Chelou© DR

Mais ce qui les amuse surtout, c’est le contraste qu’apportent leurs oeuvres dans un hôtel assez chic. « J’aime beaucoup, même dans la vraie vie, le mélange, explique Patricia Gadisseur. Placer quelque chose qui est limite trash, qui n’est pas net comme mes peintures, dans un endroit très chic. Au même titre que je pense qu’elles pourraient aller dans un entrepôt désaffecté avec une belle lumière, c’est pareil. » Exposer ses oeuvres dans un hôtel pour businessmen, ça amuse aussi Miss Fuck, forcément. Et c’est une situation qu’elle a déjà plus ou moins vécu. « Un jour, j’avais fait une oeuvre de Charlie Chaplin qui était quand même un militant, quand on voit Les Temps Modernes, c’est quand même engagé contre tout le système capitaliste. Et une femme m’avait dit dans une galerie « je l’adore, je la verrais bien dans le bureau de mon mari, il est banquier. » Pour moi c’est rigolo, c’est extraordinaire, ils n’ont pas compris quoi, et de savoir que mon travail va être là-dedans c’est génial, ça me fait marrer. Mais j’aimerais bien que ça marche quand même!« 

Mettre la rue à l’intérieur

Patricia Gadisseur a l’envie de mettre à l’intérieur ce qu’on voit à l’extérieur. Pour elle, chacune de ses oeuvres est un petit mur. Et les murs qu’elle peint sont un peu comme dans la rue où une personne viendrait coller une affiche, puis une autre personne viendrait faire un tag. « C’est comme si plein de monde venait faire la peinture. On met plein de choses et puis après les gens s’amusent à décrypter. » Ses peintures, c’est pour montrer aux gens ce qu’ils ne regardent pas forcément dans la rue sous forme d’oeuvre d’art. « Si c’est sur une toile, on va dire ‘c’est bien’ mais s’il y avait la même chose dans la rue, il n’y a pas forcément la même approche.« 

Les femmes sous-représentées dans le street art?

L'une des oeuvres de Patricia Gadisseur représentant les héros de 'Casablanca'
L’une des oeuvres de Patricia Gadisseur représentant les héros de ‘Casablanca’© Guillaume Scheunders

Si les figures de proue du mouvement sont essentiellement des hommes et que le genre s’apparente surtout à des artistes masculins, les artistes exposées ici à Bruxelles ne se sentent pas nécessairement sous-représentées dans leur domaine. « Je ne me pose pas la question, je pense que si on a envie de s’exprimer on le fait, argumente Miss Fuck. Honnêtement je pense qu’il y a d’autres combats que de se poser cette question. C’est ça qui est complètement paradoxal dans les combats de la femme aujourd’hui, les féministes, c’est trop quoi… Dès qu’un mec il fait ci ou se tient comme ça… Je trouve qu’il y a des extrêmes qui deviennent ridicules. Donc savoir si la femme est sous-représentée, je ne me suis pas posé la question et ce n’est pas primordial je pense. » Un avis partagé par Patricia Gadisseur. « Franchement, je ne me sens pas inférieure à des artistes masculins. Je ne fais pas la même chose que d’autres, mais je me sens pas moins vue, moins mise en valeur qu’un artiste masculin. Peut-être bien qu’il y a une sous-représentation car je ne connais pas toutes les artistes, mais peut-être qu’il y en a moins aussi, je ne connais pas trop la balance…« 

Ce n’est pas la première fois qu’un hôtel Pullman devient une galerie d’art. Le concept Artist Playground a déjà été réalisé dans bon nombre des 117 hôtels de la marque. Il avait même déjà fait escale à Bruxelles il y a un an, faisant cette fois-là la promotion de l’artiste hollandais Bas Van Den Hurk.

Le Street Art au féminin, jusqu’au 30 mai 2018, Hôtel Pullman Brussels Centre Midi, Place Victor Horta 1, 1060 Bruxelles.

Exposition gratuite

Guillaume Scheunders

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