L’oeuvre de la semaine : « Tous les gens géniaux sont mélancoliques »

Jan Cox, autoportrait, 1944. Galerie De Zwarte Panter, Anvers. © DR
Guy Gilsoul Journaliste

Ainsi l’affirmait Aristote. De nombreux artistes ont en tous cas traité le thème de la mélancolie, un mal être liée disait-on à la bile noire.

Par les religieux des temps anciens, la mélancolie était même jugée comme une faute et même la plus grave. La raison en est simple. Alors que les autres péchés ont toujours un objet (tuer, voler, mentir..), la mélancolie n’en n’a pas. On ne sait pas expliquer la raison de cet état qui associe tristesse, désespoir et tétanie. Il vous prend insidieusement en vous ramenant à vos peurs. La nuit est perçue comme une mort. Le jour comme le dernier. L’angoisse grandit. La solitude de l’artiste face à son chevalet et ses murs invite souvent à méditer sur la vanité des choses et de la vie.

Alors, il se met au travail et plus il travaille, plus il s’ouvre à la création. Et parfois, au génie. La mélancolie serait-elle alors une qualité d’être? Ce serait trop facile car au fil de ces traversées, le risque est aussi celui d’une perte avec la réalité des autres. Le terme « artiste » n’est au demeurant pas innocent. Il apparait au XIXe siècle lorsque le peintre osa se regarder, droit dans les yeux plutôt que de se représenter. On trouva un terme pour l’y enfermer : romantisme.

Pourtant, bien avant, il y eut Rembrandt. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui refusent le consensus et le jeu social au profit de cette quête de soi aussitôt teintée à l’encre de la mélancolie. L’un de nos plus grands artistes était de ceux-là. Il s’agit de Jan Cox dont voici un autoportrait daté de 1944. La guerre encore et toujours direz-vous. Oui, mais elle n’explique pas tout. En réalité, elle ne fait qu’attiser la mélancolie en lui. Observons. La solitude au fond d’une pièce vide. Un fond aussi indéfini que menaçant. Que regarde-t-il ? Pas lui, ni nous mais, quelque-chose au loin indéfinissable et qui l’attire à la manière d’un suicide annoncé. Et comme Rothko, Kirchner, Van Gogh et tant d’autres, un jour, il se donnera à la mort après avoir dessiné à la craie blanche, sur le plancher de bois de son atelier, une flèche indiquant la sortie.

Cette oeuvre est présentée à l’occasion d’une exposition titrée « Chambres sombres » qui confronte science médicale et art, avec des oeuvres et des documents du passé et d’aujourd’hui éclairant les chemins de la mélancolie, de l’acédie, de la dépression et du burnout.

Gand, musée du Dr Ghislain. Josef Guislainstaat. Jusqu’au 31 mai 2015. Du MA au Ve de 9 à 17 heures ; Sa et Di de 13 à 17 heures.

Partner Content