L’oeuvre de la semaine : Parole de schiste

Guy Gilsoul Journaliste

Existerait-il bel et bien un « génie du lieu » ? Entendez, une singularité qui se révèle à travers l’architecture vernaculaire ou encore, une lumière particulière, des saveurs, une identité exclusive. Un peintre qui vit à Ostende ou à Aix en Provence, ne donnera pas les mêmes fruits. Et les gourmets ne me dédieront pas qui connaissent l’influence d’une terre et de son sous-sol, d’une orientation, d’un climat sur la saveur d’un vin voire d’une pomme de terre.

Pour l’artiste qui entretient une relation intime autant qu’imaginaire avec sa région, le caractère de son oeuvre sera toujours nourri sinon défini par l’esprit du lieu. Anne-Marie Klenes est née dans le Luxembourg belge à Vielsalm, une antique cité dont le sous-sol était déjà exploité à l’heure celtique. C’est que sous les bouleaux, c’est bien du schiste dont on fait les ardoises que l’on y a jusqu’il y a peu exploité et qui couvrent les toitures en donnant aux Ardennes, ces teintes de gris aux reflets rouges et verts tout en renforçant l’aspect massif, et silencieux des villages et hameaux.

Anne-Marie Klenes, Les chambres de pierre (dét), 2016.
Anne-Marie Klenes, Les chambres de pierre (dét), 2016. © AM Klenes. C de l’artiste et galerie Triangle bleu.

Mais ces pierres qui se débitent en tranches communiquent aussi une massivité et une résistance à l’usure en même temps qu’une impression de fragilité. Or, c’est à ce matériau que la sculptrice belge (°1959) rend hommage depuis toujours. Elle en connait le caractère rebelle à toute volonté de domination. Le feuilletage de la pierre interdit toute forme de rondeur. Avec le schiste, le plan s’impose et avec lui, l’empilement qui dit sa densité. Peu à peu, ces feuilles forment un volume à la manière d’un livre dont les pages garderont le secret. On pourrait évoquer le minimalisme. On se tromperait. On pourrait de même tenter une comparaison avec les livres de plomb d’Anselm Kiefer. Le propos est ailleurs.

L’oeuvre s’élève à la façon d’une construction labyrinthique avec ses ouvertures, ses couloirs et ses décochements qui en adoucissent, en féminisent l’apparence. Sur ces surfaces « striées », ces plats et ses vides géométriques, la lumière s’infiltre sans heurt. Signalons que les oeuvres d’Anne-Marie Klenes dialoguent avec d’autres, plus conceptuelles, signées par l’Anversois Denmark.

Stavelot, Galerie Le triangle bleu. 8, Cour de l’abbaye, Jusqu’au 9 avril. Du jeudi au dimanche de 14h à 18h30. Site : trianglebleu.be

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