L’oeuvre de la semaine: les mots piégés

Valérie Mannaerts, Real Something (Nippels), 2017. © Copyright de l'artiste et Galerie Bernier-Eliades
Guy Gilsoul Journaliste

Née en 1974, la Bruxelloise Valérie Mannaerts a depuis la fin des années 1990 conquis l’international avec un travail s’incarnant aussi bien dans le dessin que l’installation, la vidéo et la peinture.

Le point commun : la création d’un espace qui soit un véritable lieu habité dont la présence s’impose même si sa description s’avère hors d’atteinte.

Sa méthode : le collage ou si on préfère la juxtaposition de formes, de signes ou de fragments dont les uns appartiennent à l’univers du reconnaissable (voire de la citation) et d’autres, à la pure invention, au vivant et au non vivant.

Ses récentes grandes peintures, « Real Something », visent une étrange sensualité contrariée que construisent les valeurs chromatiques « en mineur », le tracé courbe et la froide neutralité de l’écriture picturale. Que voit-on et comment trouver les mots ? L’image de ces corps amputés et agglutinés les uns aux autres dérange. Alors, on biaise.

On peut en appeler à une scénographie qui n’est pas sans évoquer celle de Francis Bacon. S’agirait-il alors d’une réponse aux expressionismes à la fois violents et sensuels du peintre anglais ? Une manière d’envisager à son tour le corps comme viande mais du point de vue féminin ?

Le graphisme en stries ondulantes de certaines parties peuvent à leur tour relever d’une dette envers Hans Bellmer, ce graveur surréaliste si proche des textes de Georges Bataille et qui écrivait : « Le corps est comparable à une phrase qui vous inviterait à la désarticuler, pour que se recomposent, à travers une série d’anagrammes sans fin, ses contenus véritables ». On s’approche, toujours masqué.

Il faudrait aussi interroger le socle-colonne posé à l’avant-plan de la scène… Puis revenir au magma organique et précieux des corps enchevêtrés dont certaines parties évoquent davantage l’insecte que l’humain. Y aurait-il de la mante religieuse en tout ceci ? Une mante qui, à l’évidence, dévore aussi les mots pour le dire.

Bruxelles, Galerie Bernier-Eliades, 46 rue du Châtelain (1050). Jusqu’au 1er juillet. Du jeudi au samedi de 12h à 18h. www.bernier-eliades.com

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