L’oeuvre de la semaine: La musicienne

Guy Gilsoul Journaliste

Ne cherchons pas à savoir qui est M.H. Les deux initiales données comme titre à ce portrait peint par Sophie Kuijken (née à Bruges en 1965) ne désignent personne. Pourtant, c’est bien à la grande tradition picturale de ce genre que renvoie l’oeuvre.

L'oeuvre de la semaine: La musicienne
© M.H. 2015-2016. Courtesy Sophie Kuijken et Galerie Nathalie Obadia, Paris Bruxelles.

Haute de deux mètres, cette figure en pied ne désigne qu’elle-même. Le fond noir l’isole, lisse et profond. En réalité, l’artiste récolte une vaste documentation photographique trouvée sur internet. Il peut s’agir d’images des premiers âges de la photographie ou d’aujourd’hui, d’anonymes ou encore de reproductions d’oeuvres muséales. On pourrait comparer ce fonds à une vaste partition musicale à partir de laquelle, comme le pianiste, Sophie Kuijken va « jouer ». Son interprétation tient moins à induire une intrigue (par l’ajout d’une fleur, d’un tatouage, d’un signe étrange ou ici d’un harmonica) qu’à produire un phrasé de peintre. Et de se souvenir qu’en son temps, Ingres ne fit pas qu’ajouter une vertèbre au dos d’un de ses modèles. Mais se rappelant lui-même du grand Raphaêl, il arrondit son tracé, adoucit les liens, cherche les échos à la douceur du front, des joues, des lèvres. Quitte à supprimer les cils des paupières. Ingres n’est pas un « réaliste ». Sophie Kuijken non plus. Son travail est lent et, à n’en pas douter, méditatif. Chaque étape importe. Depuis la pose d’une résine puis du gesso transparent sur le mdf, elle fait le choix des glacis. Suivra un travail au trait puis à nouveau une nouvelle transparence mais colorée cette fois afin de donner aux teintes qui suivront la profondeur nécessaire. Peu à peu, la charge des teintes vertes, ocre, rouges ou blanches, à l’acrylique d’abord, à l’huile ensuite, construiront la figure. L’harmonica n’est qu’anecdotique en effet mais il invite le spectateur à entendre la peinture en tous ses vibratos. Même et jusqu’à certaines dissonances.

Bruxelles, Galerie Nathalie Obadia. 8 rue Charles Decoster. Jusqu’au 23 juillet. www.nathalieobadia.com

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