L’oeuvre de la semaine: entre émotion et illusion

James Casebere. Vestibule, 2016. © Copyright James Casebere. Courtesy of the Artiste and Galerie Templon Paris-Bruxelles. Photo: Isabelle Arthuis.
Guy Gilsoul Journaliste

Est-ce réel ? Le lieu, la couleur, le jeu des ombres et des lumières, l’illusion des matières indiquent bel et bien un lieu construit reconnaissable par ceux que l’architecture moderne intéresse: l’univers coloré du mexicain Luis Barragan (1902-1988). Le photographe James Casebre (°1953 Michigan) parvient même à nous faire ressentir ce qui est essentiel dans cette architecture au vocabulaire moderniste: la découverte d’un parcours adressé à la seule émotion.

Ce cheminement, Barragan ne le conçoit pas ou si peu sur papier. Il le vit, au fur et à mesure de sa connaissance du site et de la construction afin d’inscrire, avec la complicité du chromatisme vernaculaire, des ombres et des appels visuels, une histoire où rien n’est joué à l’avance. Or, rien n’est plus faux que cette image puisque son point de départ est une maquette réalisée par le photographe à partir d’images trouvées sur Internet. Et pourtant, on y croit. Sans doute parce qu’il ne s’agit pas de renouer ici avec la seule fascination de l’échelle réduite mais le fruit d’une lente et logique évolution dans la pensée du photographe qui met au point ce procédé dès le milieu des années 1970.

En noir et blanc, ce sont d’abord, aux formes simplifiées, des meubles en un certain ordre réunis puis des architectures en carton-pâte. Bientôt, il multiplie les divers éléments (objets domestiques le plus souvent) jusqu’au grouillement, voire au chaos dans lesquels, ombres et lumières participent à l’expression de malaise. On songeait aux théâtres de Fausto Melotti, on en est aux scènes d’Alfred Hitchcock.

James Casebere. Foyer, 2017
James Casebere. Foyer, 2017© Copyright James Casebere. Courtesy of the Artist and Galerie Templon Paris-Bruxelles. Photo: Isabelle Arthuis

En réalité, Casebre s’intéresse de plus en plus aux théories de l’architecte Roberto Venturi (Complexity and Contradiction), l’un des pères du post-modernisme. Au vocabulaire rectiligne, se superpose alors celui des courbes via l’intrusion du végétal et aussitôt du mouvement, de l’aspiration, de la spirale même si dans ses maquettes de prison, une forme de minimalisme noir l’emporte. Un séjour à l’Alhambra de Séville le conduit à introduire la couleur ainsi que les reflets de l’eau sur les sols. Et de là, l’amorce de récits imaginaires. C’est à ce moment qu’il découvre les scénographies de Barragan.

Bruxelles, Galerie Daniel Templon. 13A rue Veydt. Jusqu’au 14 avril. Du Ma au Sa de 11h à 18h. www.templon.com

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