Génération Tahrir, une expo qui tombe à point nommé

Des jeunes attendent le début d'un concert électro chaabi (littéralement du peuple) à Medinat Al Obour en périphérie du Caire. Ce nouveau style musical, issu des quartiers pauvres, aborde des questions sociales et des idées de la révolution. Le 27 septembre 2012. © Pauline Beugnies
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Le Musée de la photographie de Charleroi accueille le travail de la photographe Pauline Beugnies. L’occasion de jeter un regard différent sur le monde arabe.

C’était il y a un peu plus d’un an. Le nom de Pauline Beugnies parvenait aux oreilles du grand public. La jeune femme, née à Charleroi en 1982, recevait le Nikon Press Photo Award, l’une des récompenses les plus prestigieuses au monde, excusez du peu. A juste titre, car son travail sur Battir, petit village palestinien de Cisjordanie menacé par les avancées du mur israélien, offrait une perspective aussi inédite que délicate sur cet interminable conflit du Moyen-Orient. Les images découpées sous un ciel blanc de la Belge montraient comment cette bourgade « cultivait la résistance », au sens propre. A travers un paysage de murets de pierres sèches et de terre ocre, une intifada verte était dépeinte au fil des différentes teintes d’un nuancier humaniste. Laquelle intifada opposait d’un côté oliviers millénaires et, de l’autre, sapins conquérants originellement plantés par l’occupant britannique. Dans un pays divisé, les arbres aussi se font la guerre. Telle est la marque de fabrique de Pauline Beugnies, une approche documentaire en profondeur, évitant le spectaculaire, qui se fait fort de déconstruire les stéréotypes. Après des études à l’IHECS et la fréquentation du programme de photoreportage de l’Ecole Danoise de Journalisme à Arhus, la jeune femme a accompli un joli bout de chemin, couvrant des sujets comme les enfants des rues à Kinshasa et multipliant les destinations, du Bangladesh à l’Albanie ou même la Belgique, avant de se spécialiser sur le monde arabe et musulman. On peut en prendre la mesure en découvrant le passionnant webdocumentaire donnant la parole à de jeunes Egyptiens, Sout El Shabab, qu’elle a coréalisé et qui est hébergé sur le site de Radio France.

In medias res

Une autre façon de découvrir la pertinence de son propos est d’aller voir Génération Tahrir, ensemble de photographies qui permet de mieux appréhender la jeunesse égyptienne. L’ambition? « Proposer une autre réalité du monde arabo-musulman. De ses forces vives. De celles et de ceux qui connaissent le sens des mots « justice » et « liberté » », selon l’intéressée. A travers des images prises au moment du soulèvement de la fameuse place égyptienne, mais également par le biais de clichés ultérieurs, Pauline Beugnies donne à voir la jeunesse égyptienne dans toute l’intensité de ses aspirations. On est bien loin des raccourcis et simplifications dégainés à longueur de journée: obscurantisme islamisé versus esprit des lumières qui serait l’apanage de l’Occident. Le spectateur prend la mesure de ces forces vives qui cherchent à « inventer un modèle de vivre ensemble sous un ciel politique plombé ». Ces énergies, la photographe les met en lumière avec énormément de talent. Nombreuses sont les compositions dont le jeu d’ombres et de lumières est l’exact pendant visuel du caractère électrique du « mahragan », cette musique électronique ultra rythmée, dopée à l’autotune, héritière du chaâbi. Si Pauline Beugnies a pu poser son objectif où il le fallait, ce n’est pas l’effet du hasard. C’est celui d’une immersion profonde et d’une communion sincère avec son sujet. Le témoignage qui en résulte n’a pas de prix.

PAULINE BEUGNIES, MUSÉE DE LA PHOTOGRAPHIE, 11, AVENUE PAUL PASTUR, À 6032 CHARLEROI. DU 12/12 AU 22/05. WWW.MUSEEPHOTO.BE

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