Elzo et Silio Durt, à jamais adolescents

Jugement Apocalypse © Silio Durt
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Retour à Liège pour les frères Elzo et Silio Durt le temps d’une exposition à L’Usine. Aussi alternatif qu’explosif, aussi marginal qu’irrécupérable.

Constamment ils brûlent. Des cocktails Molotov. Des matières hautement inflammables se refusant à rentrer dans le rang. Voilà ce qu’est ce duo de frères « élevés à la Durt ». Le cadet, Silio, a beau avoir 31 ans -il s’apprête à être père de jumeaux, ça ne s’invente pas- et l’aîné, Elzo, afficher 36 années au compteur, ils resteront à jamais adolescents. Ils figurent parmi ceux dont les nuits sont plus belles que nos jours. Deux fêtards gavés au rock, au punk, aux images et à la culture vernaculaire. Ce fabuleux potentiel énergétique non canalisé par le système, les deux frangins le font jaillir en permanence à travers des toiles, des illustrations, des flyers, des collages, des T-shirts, des lots de carton récupérés. Ultra-violent, buriné et jouissif, cet univers déployé fait souffler un vent de fraîcheur dans le milieu de l’art. C’est à Liège, ville qui a le privilège d’accueillir pour la deuxième fois un tel projet bicéphale, qu’il faut aller glaner les nouvelles flamboyances des deux Bruxellois. Plus précisément à L’Usine, espace d’expo de plus ou moins 80 mètres carrés, attenant à la boutique de la tatoueuse Léa Nahon. Emergeant tout juste des brumes du Nouvel An au moment d’écrire ces lignes, Elzo Durt n’avait pas encore arrêté la sélection de ses oeuvres pour l’événement. Les certitudes pour l’heure? La présence dans l’affichage de seize impressions Diasec en format 36×50 centimètres. Soit autant de variations sur le thème de la bouffe. Brochettes, parts de pizza, burgers et glaces industrielles: un festin visuel junk food orchestré selon la force graphique que l’on connaît à l’homme qui a entre autres signé la mémorable cover de l’album Psycho Tropical Berlin pour La Femme. On sait aussi qu’il y aura des images pieuses détournées issues de la série Deus ex machina.

Coexist

Pochette de l'album Psycho Tropical Berlin de La Femme
Pochette de l’album Psycho Tropical Berlin de La Femme© Elzo Durt

Du côté de Silio Durt, la vision du travail présenté est beaucoup plus claire. On découvre ce corpus fulgurant dans son atelier d’Anderlecht. Première évidence: Buvard & Brouillon/Flip & Gluck ne doit pas se comprendre comme un travail commun, l’événement est avant tout la juxtaposition de deux imaginaires. A ce petit jeu, le cadet n’est pas en reste, comme en témoigne Krizis, une nouvelle série d’oeuvres sur papier inspirées par l’austérité, telle que l’a connue la Grèce, et les plaies du monde occidental. Le canevas est strict, fixé à la manière d’une mission: des compositions uniquement en noir et blanc, au crayon, au fusain et à l’encre de chine. Mélange d’abstraction et de figuration, les oeuvres s’articulent autour de masses sombres, de spirales brutales et de lignes vibrantes que l’on dirait puisées à même la caféine. La Diversion, le Martyr, la Proie… Ces figures morbides ont des sources d’inspiration aussi variées que le tarot, un petit bonhomme gluant à coller au mur, ou encore le cinéma apocalyptique d’Alexeï Guerman, tout particulièrement son dernier (très) long métrage, Il est difficile d’être un dieu. Plus acides sont les portraits sur carton, format 50×65 centimètres, douloureuses fulgurances auxquelles concourent pastels -récupérés, pour la petite histoire, chez le CoBrA Serge Vandercam-, crayons et aquarelles. Ces visages éclatants de l’effroi, pas très loin des fameux « clowns tristes » qui hantent les intérieurs, sont inspirés par des scènes de manifestations. But de la manoeuvre? Extérioriser tout ce qui énerve et angoisse Silio Durt.

BUVARD & BROUILLON/FLIP & GLUCK, ELZO ET SILIO DURT, L’USINE, 10B RUE SAINT LÉONARD, À 4000 LIÈGE. JUSQU’AU 10/03.

WWW.LUSINETATTOO.COM

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