Des expositions avec des reproductions: tromperie ou moyen de faire connaître l’artiste?

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Peut-on mettre sur pied des expositions artistiques avec une majorité de reproductions? Où se trouve la limite entre faire connaître ou reconnaître un artiste et le risque de tromper les visiteurs?

Le site de Slate souligne qu’en France, deux expositions, largement composées de reproductions, ont récemment déchaîné l’ire de certains visiteurs : « Caillebotte, portrait intime d’une famille normande », au Musée d’Art et d’Histoire Baron-Gérard à Bayeux, et « Why Not Judy Chicago? », une expo consacrée à l’artiste Judy Chicago, au musée d’art contemporain de Bordeaux.

Il est vrai que l’organisation d’une exposition d’envergure à un prix, et peut être un frein pour certains petits musées qui ne disposent pas des mêmes budgets que les grands. Ce coût élevé, outre les frais organisationnels de l’exposition proprement dite, sont liés aux primes d’assurances pour les tableaux, comprenant un transport spécifique et la nécessité d’en assurer la sécurité.

Mais à ce rythme-là, ne risque-t-on pas d’aller vers de l’art à deux vitesses : les plus petits musées « pauvres » présentant en grande partie des reproductions d’oeuvres, et les musées « riches » pouvant s’offrir les originaux accrochés à leurs murs ?

Exposition-dossier vs exposition de beaux-arts

La commissaire de l’exposition « Caillebotte, portrait intime d’une famille normande », Dominique Hérouard, se justifie sur Slate en expliquant qu’il s’agit d’une exposition-dossier, c’est-à-dire, une exposition qui a plus une valeur historique qu’artistique.

« Ce n’est pas une expo de beaux-arts, mais d’histoire. […] Notre projet était de travailler sur le fond d’archives familiales du descendant de la cousine de Gustave Caillebotte, Zoé Caillebotte. Le but était de brosser le portrait d’une famille, faire le recensement de toutes les photographies d’une famille, mais à titre documentaire, informatif, pas à titre esthétique. »

Encore faut-il que l’exposition-dossier soit clairement identifiée en tant que telle. Des reproductions à l’échelle de l’oeuvre originale, encadrées et accrochées au mur donneront plus aux visiteurs un sentiment d’avoir été floués. Alors que si elles sont dans des vitrines, accompagnées de textes explicatifs sur la démarche et les recherches entreprises, ce sentiment d’avoir été dupé n’a pas la même intensité.

Il en va de même pour la communication vers l’extérieur, qui ne doit pas être ambiguë laissant la porte ouverte à une interprétation erronée.

Or c’est cela qui semble avoir posé problème avec « Caillebotte, portrait intime d’une famille normande »…

L’idée avant tout

Mais même s’il peut déplaire à certains visiteurs, le procédé de mélanger reproductions et originaux est pleinement assumé par les organisateurs.

Comme cela a été le cas pour l’exposition des oeuvres de l’artiste Judy Chicago. Une exposition pour laquelle on pourrait transformer l’adage « qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » en « qu’importe le support pourvu qu’on ait le message ».

En effet, pour Xabier Arakistain, qui a mis sur pied l’exposition « Why Not Judy Chicago? », le plus important est justement le message que l’artiste veut faire passer. « Il ne s’agit pas de chefs-d’oeuvre du XIXe! Dans l’art conceptuel, le plus important, c’est l’idée. Ce que je voulais, c’était parler de phallocratie, de féminisme radical et les reproductions aident à construire une histoire et à comprendre comment le vagin est un signe socialement construit, qui n’est pas représenté. Bien sûr que les oeuvres originales de Judy Chicago sont importantes, mais le plus important, ce sont ses idées » se défend-il sur Slate.

Les deux procédés ont donc leurs détracteurs et leurs partisans, mais à l’heure du digital 2.0 la question se pose si demain certains musées ne risquent-ils pas l’uniformisation en accrochant des tableaux… numériques.

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